Baby Driver, Été 93, La Région sauvage … Les films préférés de la rédac cette semaine

BABY DRIVER Avec ses moteurs lancés à pleine balle, sa playlist ultra cool et son avalanche d’effets clip, le Baby Driver d’Edgar Wright (Hot Fuzz, Scott Pilgrim) plaît et surprend grâce à sa sentimentalité furieuse. Succès fou au box-office américain, encensé par des cinéastes aussi différents que William Friedkin, Christopher Nolan ou Guillermo del Toro


BABY DRIVER

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Avec ses moteurs lancés à pleine balle, sa playlist ultra cool et son avalanche d’effets clip, le Baby Driver d’Edgar Wright (Hot Fuzz, Scott Pilgrim) plaît et surprend grâce à sa sentimentalité furieuse. Succès fou au box-office américain, encensé par des cinéastes aussi différents que William Friedkin, Christopher Nolan ou Guillermo del Toro (qui a twitté que le film ressemblait à « Un Américain à  Paris sur roues et sous crack »), Baby Driver est précédé d’une méchante hype. Il faut reconnaître que le nouveau film d’Edgar Wright, qui il y a encore un an se faisait sévèrement dégager du projet Ant-Man de Marvel qu’il était censé réaliser, force l’admiration par son efficacité et sa manière presque nonchalante de mixer action rude et romantisme exacerbé. Dans Scott Pilgrim (2010), Wright parvenait à faire exister des personnages véritablement incarnés au milieu d’un magma d’images virtuelles et pixellisées a priori déshumanisantes – le film était calqué sur une esthétique de jeu vidéo 8 bits. Même topo avec l’effréné Baby Driver. Baby (Ansel Elgort, qui a le côté tête à claque de Tom Cruise dans Risky Business et en même temps la coolitude de Matthew Broderick dans La Folle Journée de Ferris Bueller) amène une respiration pop dans un univers de bad guys, de carlingues rugissantes et d’accélérations brutales. Chauffeur ultra talentueux qui gagne son blé en faisant le taxi pour des braqueurs, il souffre depuis l’enfance d’un acouphène qu’il couvre en ayant constamment de la musique dans les oreilles. La musique, c’est ce qui fait toute son attitude – quand Baby conduit, il a les gestes gracieux et volatils d’un danseur. Comme en plus il est amoureux transi, il semble avoir des ailes. Mais c’est ce qui lui donne aussi l’air toujours un peu absent, en tout cas ailleurs que dans un film de criminels mûs par l’appât du gain – le sensible Baby, on le verrait plutôt batifoler avec sa dulcinée dans le lyrique La La Land, qui a récemment donné un sérieux coup de boost à la comédie musicale. Et même si Baby Driver n’en est pas vraiment une, le genre innerve le film de toutes parts et amplifie le côté fleur bleue de ce héros taciturne et mystérieux.

ÉTÉ 93

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Frida (la prometteuse Laia Artigas, à l’énergie sauvage et au regard perçant) a 6 ans lorsque sa mère meurt du sida. Orpheline, elle est recueillie par son oncle et sa tante qui vivent avec leur fille de 4 ans à la campagne, loin de son Barcelone natal. D’abord craintive, Frida se refugie dans la religion, avant de trouver sa place dans sa nouvelle et triste réalité. Pour écrire Été 93, consacré Prix du meilleur premier film au Festival de Berlin, Carla Simón s’est inspirée de sa propre histoire. La finesse avec laquelle la réalisatrice de 31 ans capture, le temps d’un été, les émotions de cette famille en souffrance est éblouissante. Dans de longs et paisibles plans-séquences, elle laisse sourdre les tourments de ces âmes en peine qui portent le deuil chacune à sa hauteur et à sa manière, entre colère sourde, effronterie enfantine et intarissable tristesse. Judicieusement mis en contraste avec l’innocence de sa cousine, le désenchantement de l’héroïne condamnée à grandir trop vite est bouleversant. Affirmant la noirceur de son personnage avec aplomb et sans pathos – mais avec un regard toujours tendre et juste –, Carla Simón livre un premier film d’une grande maturité.

LA RÉGION SAUVAGE

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Le Mexicain Amat Escalante, jusque-là rompu au réalisme sombre (Los Bastardos, Heli), glisse vers le fantastique avec cette étrange fable érotique. En guise de prologue, un plan sur une météorite flottant dans l’espace. C’est sans doute là l’origine de la créature qu’un couple de chercheurs cache dans sa cabane au fond des bois au Mexique, une sorte de grande pieuvre qui envoûte sexuellement les humains via ses tentacules. Si Veronica ne peut plus s’en passer, le monstre, lui, s’est lassé d’elle et commence à se montrer violent. La jeune femme part donc dans la petite ville voisine pour rabattre de nouvelles proies, ce qui l’amène à rencontrer un trio dysfonctionnel: un homme, son épouse et le frère de celle-ci… Le cinéaste prend le parti de ne pas jouer le hors-champ en dévoilant très vite l’aspect de la créature alien, cette allégorie explicite – visiblement inspirée de la célèbre estampe Le Rêve de la femme du pêcheur de Hokusai – des pulsions les plus primitives de l’être humain. Beaucoup plus troubles et complexes, les interactions entre le quatuor de personnages achèvent de faire de ce thriller érotique un ovni qui nous hante pendant longtemps.