Avec « Feel Feelings », Soko signe l’album de la maturité

« T’as vu ou pas ? » Soko vient de faire pivoter son écran pour nous montrer le couple d’écureuils qui s’ébat dans son jardin de Los Angeles. « On dirait qu’ils dansent. C’est le moment Disney ! » Jusqu’à présent, les animaux mignons et la guimauve hollywoodienne ne faisaient pas trop partie de son univers. Sur Feel Feelings, son troisième album,


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« T’as vu ou pas?» Soko vient de faire pivoter son écran pour nous montrer le couple d’écureuils qui s’ébat dans son jardin de Los Angeles. «On dirait qu’ils dansent. C’est le moment Disney!» Jusqu’à présent, les animaux mignons et la guimauve hollywoodienne ne faisaient pas trop partie de son univers. Sur Feel Feelings, son troisième album, il est plutôt question de violences conjugales (« Quiet Storm »), de rencontres interchangeables (« Replaceable Heads ») ou de vide post-rupture (« Blasphémie »). Quelque chose a changé chez Soko, et ce disque brillant en est l’expédient et le témoin. Lorsqu’elle s’y attelle en 2016, la Bordelaise est en vrac. Après une retraite au Hoffman Institute, un centre de développement personnel très new age – «c’est comme dix ans de thérapie concentrés en une semaine» –, elle décide de s’astreindre au célibat pour «retrouver une relation saine avec (son) amour-propre.» 

Et de focaliser son énergie sur l’enregistrement de ce disque, épaulée par un who’s who de l’indie pop américaine – de Sean Lennon à Chairlift en passant par MGMT – qu’elle guide d’une main plus sûre que jamais. «Je voulais que les batteries soient sèches et clairsemées, les basses sensuelles comme chez Air ou chez Gainsbourg, et que les guitares donnent l’impression d’être jouées sous l’eau, à la manière de The Durutti Column.» Soko cite ses sources et assume les conclusions : «Pour la première fois, j’ai fait un disque que j’ai envie d’écouter.» L’œuvre d’une artiste réconciliée avec son histoire. Le dernier beat qui résonne est celui du cœur d’Indigo Blue Honey, son fils né en 2018. Soko a bien mérité son «moment Disney». 

« Feel Feelings » de Soko (Because)

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ?

« Je pense que ça serait sans doute 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix. Les sentiments que j’explore sur l’album ressemblent assez à ceux du film. Un mélange de relations toxiques, de sensualité à fleur de peau… et de bébé. C’est lent, épuré, ça prend son temps et c’est très passionné. Et puis j’adore Béatrice Dalle, qui est géniale dans ce film. C’est une force de la nature, qui m’inspire à la fois en tant qu’actrice et en tant que femme. Il n’y en a pas beaucoup, des personnalités de sa carrure. » 

À ÉCOUTER AUSSI 

ARCA, « KiCk i » (XL Recordings)

Artiste trans latinx (néologisme non sexué utilisé à la place de « latino » ou de « latina »), Arca revendique sa non-binarité au-delà de son identité de genre, mais comme constitutive de sa création. Conciliant son héritage vénézuélien (reggaeton et pop en espagnol) et les sonorités les plus avant-gardistes (harsh noise, electronica, esthétique PC Music), sa pop mutante invite ici Björk, Rosalía, Shygirl ou SOPHIE en un ambitieux manifeste de polymorphisme musical. • W. P.

ALEX IZENBERG, « Caravan Château » (Weird World)

Délicate collection de portraits, Caravan Château (bel oxymore) réfléchit, comme dans un palais des glaces infini, les figures féminines, idéales ou réelles, aimées d’Alex Izenberg. D’« Anne in Strange Furs » à « Sister Jade », la voix haute et vacillante (évoquant Neil Young) de celui-ci se pose sur une étrange (rétro et freaky) musique de chambre pop (Harry Nilsson, The Beatles) concocté en alchimie avec des membres de Grizzly Bear et de Foxygen. Comme un bouquet de fleurs tombé du ciel. • W. P.

CRACK CLOUD, Pain Olympic (Meat Machine)

Avec ces « jeux olympiques de la douleur », ces anciens fumeurs de crack canadiens, reconvertis en spectaculaire collectif post-punk, font muter le minimalisme anguleux de leurs EPs en une ambitieuse fantasmagorie pop, hip-hop, electro, no-wave. Ce foisonnement sied parfaitement à leurs visions post-apocalyptiques (voir leurs clips, entre John Carpenter et Terry Gilliam), sans que ces brûlots ne perdent de leur urgence, qu’elle soit douloureuse ou extatique. • W. P.