Agathe the power

Au fond d’un bar du IIIe arrondissement, près de chez elle, Agathe Bonitzer paraît à l’aise et volubile, mais son attitude corporelle trahit un caractère plus angoissé. Sa voix est confiante, mais ses gestes semblent heurtés, incertains, et elle parle en scrutant la table, nous adressant parfois un coup d’œil furtif. « Jusque-là, j’ai surtout


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Au fond d’un bar du IIIe arrondissement, près de chez elle, Agathe Bonitzer paraît à l’aise et volubile, mais son attitude corporelle trahit un caractère plus angoissé. Sa voix est confiante, mais ses gestes semblent heurtés, incertains, et elle parle en scrutant la table, nous adressant parfois un coup d’œil furtif. « Jusque-là, j’ai surtout joué des jeunes filles en fleur, un peu naïves », confie la rousse au teint clair. Révélée aux yeux du public avec La Belle Personne de Christophe Honoré (2008), l’actrice amène à ses rôles candides une pointe charmante d’ironie. Parmi ses plus marquants : une fan guillerette obsédée par une écrivaine dans Un chat un chat de sa mère Sophie Fillières (2009) ; une assistante discrète observant d’un œil espiègle et intéressé un trio amoureux dans Le Mariage à trois de Jacques Doillon (2010) ; une victime flegmatique redécouvrant la liberté après avoir été longtemps séquestrée dans À moi seule de Frédéric Videau (2012) ; ou encore une fille ardente croyant aveuglément au prince charmant mais qui rencontre le grand méchant loup dans Au bout du conte d’Agnès Jaoui (2013).

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LA ROUSSE TOURNE

Après lui avoir confié plusieurs rôles secondaires de post-ados espiègles, Pascal Bonitzer lui offre une partition aux antipodes. Dans Tout de suite maintenant, elle joue Nora, jeune femme froide et conquérante qui gravit les échelons de la haute finance. Agathe Bonitzer apporte au personnage élégance et autorité, sans oublier de faire sourdre ses fragilités – l’héroïne oscille entre intransigeance dans son univers professionnel et sensibilité à fleur de peau dans son environnement familial plus chaotique. Habituée à aborder ses rôles de manière spontanée, la comédienne a pour la première fois préparé son travail de façon plus réfléchie. « Je me suis infiltrée dans l’univers de la fusion-acquisition, j’ai été l’assistante d’un cadre qui m’emmenait en rendez-vous, mais pour moi c’était du chinois ! » Pour l’actrice, le trait acerbe, satirique, avec lequel ce monde impitoyable est dépeint par son père fait clairement écho à la situation sociale de la France contemporaine. « Le film parle de la façon dont tout va trop vite : on dégage les gens, on les remplace… Je reviens de deux mois au Cambodge pour tourner le nouveau film de Jeanne Labrune. J’ai quitté une France abattue, encore en deuil des attentats, et là je sens un vent de révolte avec Nuit debout. J’ai compris il n’y a pas très longtemps que ma génération est particulièrement touchée : on n’est plus dans les mêmes questionnements sur l’avenir que nos aînés, on est obligés de vivre comme ça, de trouver notre bonheur sans se projeter. Et encore, moi, j’ai la chance d’être très protégée par rapport à d’autres. » Lucide sur son statut privilégié de « fille de », Agathe Bonitzer a appris à composer avec les accusations de népotisme, même si ça lui a pris du temps. Avant de se consacrer pleinement à sa carrière d’actrice, elle a un peu hésité et a préféré multiplier les activités entre les tournages. Elle s’est ainsi formée au conservatoire du VIIe arrondissement, a continué la danse classique, tout en étudiant les lettres modernes à la fac. Maintenant qu’elle assume de manière plus affirmée son métier d’actrice, la littérature reste l’une de ses passions. Récemment, elle a dévoré Annie Ernaux, Alexandre Dumas, Marguerite Duras. « Les livres, ça me brouille un peu : chez moi, il y a un côté poreux entre la réalité et la fiction. Avant, j’étais très insomniaque sur les tournages, alors je lisais beaucoup la nuit. » Avec malice, elle nous confie que, un peu soucieuse, elle a beaucoup lu lors de son dernier tournage au Cambodge. C’est que voyager, pour elle, n’est pas évident, il faut qu’elle se fasse violence. « Je suis casanière, pas du tout baroudeuse, et je n’aime pas l’avion. C’est ça qui est génial dans ce métier : moi qui suis de nature anxieuse, ce que le jeu m’oblige à faire me libère », dit-elle, relevant la tête avec un sourire en coin et un regard franc. C’en est fini des yeux baissés.

Tout de suite maintenant
de Pascal Bonitzer (1h38)
avec Agathe Bonitzer, Vincent Lacoste
Sortie le 22 juin