C’est le film qui a tout déclenché : l’apparition d’Abbas Kiarostami sur les radars de la critique occidentale, le surgissement d’une voie spécifiquement iranienne pour le Néoréalisme, et la découverte des paysages du village de Koker, avant qu’ils ne soient dévastés par un tremblement de terre et ne deviennent le cœur de deux autres films du cinéaste (Et la vie continue, Au travers des oliviers), formant un tryptique passé à la postérité.
« Où est la maison de mon ami? » d’Abbas Kiarostami
C’est aussi le plus pur, nouant d’un geste calligraphique la rugosité du réel et la densité de la parabole. Ahmad, un petit garçon (Babak Ahmadpour, inoubliable visage de l’innocence), part à la recherche de son ami Nematzadeh pour lui rendre son cahier – et lui éviter ainsi d’être renvoyé de l’école.
Sur son chemin, il se heurte au silence des adultes, à leurs préoccupations impénétrables, à leurs exigences contradictoires, jusqu’à ce que la nuit tombe sur le labyrinthe des ruelles et qu’un vieillard ne lui vienne enfin en aide. C’est l’instant où le réalisme cède la place à la fable, dans un décor réinventé par les peurs d’enfant : les ombres dansent sur le pavé, les bourrasques agacent les animaux et font tinter des clochettes invisibles, les contours des fenêtres sont projetés sur les murs tels des tableaux cabalistiques.