Héritier de Buster Keaton dont il a chopé certains tics, éternel révolté sous sa carapace désinvolte, l’acteur cultive aussi la mélancolie comme un art. Histoire de mieux cerner ces multiples visages, Arte propose de voir ce passionnant portrait documentaire jusqu’au 1er décembre.
Que sait-on exactement de Bill Murray à part que, comme les bonnes liqueurs, – qu’il boit comme du petit lait -, il s’améliore en vieillissant ? En 2017, il a reçu le prix Mark Twain de l’humour américain – récompense très hype. Mais saviez-vous que l’acteur nourrit une passion secrète pour le karaoké, a écrit un livre sur le golf, et que Gorillaz lui a dédié une chanson ? Pas la peine d’essayer de cerner complètement cet électron libre, qui cultive son énigme comme personne. Mais si explorer les mystères sans forcément les percer vous botte, on vous conseille ce passionnant documentaire de Stéphane Benhamou sur l’acteur (dispo sur Arte jusqu’au 1 décembre), dans lequel on découvre notamment qu’il a été arrêté à 20 ans, après avoir persuadé les passagers d’un avion qu’il détenait une bombe, qu’il a étudié à la Sorbonne et qu’à l’âge de 8 ans, déjà, il maîtrisait l’art de l’impro, grâce à quoi il a foulé ses premières planches en faisant du stand-up.
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Archives inédites et pépites oldies à l’appui, le film rend compte aussi de la face contestataire de l’acteur, son comportement provocateur, son irrésistible désir de blasphémer pour repousser les valeurs et institutions traditionnelles. Un leitmotiv qui le pousse à rejoindre le National Lampoon puis le Saturday Night Live, nightshows où les humoristes américains s’en donnent souvent à coeur joie contre les politiques, avant de connaître la gloire dans les années 1980 grâce au phénomène SOS Fantômes. Mais son costume de super-star est un peu trop lourd : en 1984, il écrit le scénario du drame Le Fil du rasoir, dans lequel il interprète un vétéran de la guerre parti au Tibet chercher un sens à sa vie.
Echo à sa propre misanthropie et aux drames de sa vie (la mort de son père et de son ami John Belushi), le film est un échec total. Depuis, l’acteur flegmatique a pris soin de se mettre dans la peau de personnages qu’on soupçonne être des alter-egos plus ou moins transparents. Un homme en quête de son passé amoureux dans Broken Flowers de Jim Jarmusch, un acteur insomniaque voué à sa solitude dans Lost in Translation, des rôles plein d’auto-dérision chez Wes Anderson. De quoi nous convaincre que chez lui, l’humour et le sarcasme sont des failles de l’âme qui laissent entrevoir sa mélancolie.
Image: Copyright Focus Features