Un portrait riche et instructif, qui rappelle à quel point Jane Fonda a su épouser les luttes de son temps et mettre en lumière les contradictions de son pays.
Étudiante à l’Actor’s Studio où elle appris son jeu instinctif et félin, mannequin et visage régulier des couvertures Vogue, puis opposante à la guerre du Vietnam et symbole de l’émancipation corporelle dans un Hollywood prisonnier des diktats de beauté… La carrière de Jane Fonda est faite d’étranges dissonances qui, si on les regarde de près, forment un panorama limpide. Dans Citizen Jane, l’Amérique selon Fonda, Florence Platarets dresse un portrait intimiste de cette actrice qui incarna le glamour américain tout en cristallisant les désillusions de son pays.
De son premier rôle de pom-pom girl stéréotypée, sexy et inoffensive, dans La Tête à l’envers en 1960, qui nourrit son image de fantasme masculin, à son interprétation de prostituée vagabonde durant la Grande Dépression dans La rue chaude d’Edward Dmytryck, qui lui permis de se réapproprier son corps, le documentaire met en lumière la lucidité de cette actrice avant-gardiste, parfaitement consciente de l’emprise des rapports de force au sein du star-système : « Je crois que la plupart des femmes veulent être pâte à modeler. Quand elles sont amoureuses, elles veulent être modifiées, elles sont modifiées de toute façon ».
Le film s’attache ainsi à l’évolution surprenante de l’actrice la plus bankable d’Hollywood, devenue dans les années 1970 la cible des services secrets américains en raison de ses positions anti-nucléaires. Tout en prêtant ses traits au Nouvel Hollywood (elle décrocha deux Oscars, un en 1972 pour Klute, d’Alan J. Pakul, et un autre en 1979 pour Retour de Hal Ashby), elle finance la carrière politique de son deuxième mari, Tom Hayden, militant des droits civiques. Composé d’interviews où l’actrice s’exprime dans un français impeccable, mais aussi d’archives où elle réalise des meetings auprès de vétérans, et de documents rares où on peut la voir dénoncer le système capitaliste, ce documentaire pointe la grande cohérence de la carrière de Jane Fonda, cachée derrière ses métamorphoses.
Le film est à voir juste ici.