Dans cet unique plan fixe d’un peu plus d’un minute, le cinéaste capte les pensées intérieures d’une foule anonyme.
« Une minute de cinéma à la manière des frères Lumière ». Bien avant de réaliser L’Inconnu du lac (2013), thriller ensoleillé où s’entremêlait désir et mort sur une plage nudiste, Alain Guiraudie a accepté de se plier à cet exercice de style. Résultat : un court-métrage d’une minute et douze secondes, tourné en une journée, avec une pellicule 16 mm, un micro, un cadre unique, sans mouvement.
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Dans Au pic de Nore (un titre qui emprunte son nom au sommet de la montagne Noire dans le Massif Central), le cinéaste filme une foule d’hommes, de femmes et d’enfants rassemblés dans la forêt. Devant les branches macabres et le brouillard, leurs silhouettes colorées forment un joyeux théâtre de pantomimes et leurs dialogues (de sourd), tels des monologues intérieurs qui errent dans l’air, forment une cacophonie existentielle. « Je partirais bien dans un souffle de vent », « J’aimerais mourir sous le feu du volcan », « Pour moi il y a de la lumière dans le rêve, et de l’ombre dans la lumière du rêve : en voix-off, les réflexions métaphysiques, souvent lourdes de sens mais prononcées avec une légèreté déconcertante, se croisent mais se rencontrent pas vraiment.
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De ce plan-séquence sibyllin, au mixage sonore entêtant, on essayera pas davantage de dissiper le mystère. On retiendra seulement qu’un minute suffit à saisir la vérité mélancolique d’êtres dont on ne connaît pas le visage.
Le film est visible sur la plateforme du GREC.