
En 2003, la sociologue Régine Robin mentionnait le concept de « postmémoire », créé par la chercheuse américaine Marianne Hirsch en 1997,comme étant « la transmission des traumatismes de la guerre ou du génocide chez ceux qui n’ont pas connu la guerre ou qui étaient trop jeunes pour comprendre la gravité des événements ». Un stress post-traumatique indirect dont souffrent deux cousins mal assortis, Juifs new-yorkais névrosés pur jus, que Jesse Eisenberg embarque dans un voyage mémoriel en Pologne sur les traces d’un passé si loin, si proche.
L’un, David, campé par le réalisateur, mène la vie rangée d’un père de famille, introverti et bouffé par l’anxiété. L’autre, Benji, incarné brillamment par Kieran Culkin, a la gouaille chevillée au corps, la peau à vif et l’œil humide. Entouré d’un casting bigarré (Jennifer Grey, passée de « Bébé » à bobo) et d’une équipe technique de haute volée (Michał Dymek, directeur de la photographie d’EO de Jerzy Skolimowski), David-Jesse Eisenberg, les Nocturnes de Chopin dans les oreilles, sillonne les vestiges d’une culture dilapidée par les totalitarismes, à la recherche d’impossibles réponses sur la judéité, le sentiment de culpabilité et la souffrance, son invariable corollaire. Une « real pain » que Benji-Kieran Culkin, vagabond en stand-by, trimballe d’un aéroport à l’autre dans un film doux, dur et dingue.
A Real Pain de Jesse Eisenberg, sortie le 26 février, Walt Disney (1 h 30)