Combien de cinéastes peuvent se targuer d’avoir à la fois inventé une esthétique et donné un grand coup de pied aux normes sociétales de leur époque ? Ils sont peu et viennent tous de l’underground : Jean Genet, Chantal Akerman, Pier Paolo Pasolini… Alexis Langlois, le jeune réalisateur qui trône en couverture de ce numéro, nous passionne parce qu’il se nourrit lui aussi de sa révolte pour bousculer les codes visuels en place.
Puisant son énergie dans les luttes LGBTQ+, et ses sources formelles dans l’univers flamboyant et énervé des films de Werner Schroeter, de Jack Smith et surtout du « pape du trash », John Waters, Langlois réussit aussi, dans la poignée de courts métrages qu’il a pour l’heure réalisés, à injecter ce qui remue la génération post-Internet, inventant une grammaire cinématographique truffée d’émojis mignons et traversée par le caractère aléatoire et l’humour trollesque de la navigation sur les applis.
Son dernier court, De la terreur, mes sœurs !, est un revenge movie pailleté, musical et parfois gore, sorte de Faster, Pussycat! Kill! Kill! des années 2020, centré sur quatre copines trans qui se vengent par l’imaginaire contre les insultes, l’objectivation, les brimades qu’elles subissent au quotidien. Alors que le film a remporté le Grand Prix du court métrage au festival de Bordeaux, et que le cinéaste prépare son premier long métrage, on a eu envie d’en savoir plus : d’où vient-il ? où a-t-il forgé son style déglingué et onirique qui détonne dans le cinéma français ? qui est la bande qui fait bloc autour de lui, véritable troupe comme Fassbinder ou Waters en avaient ?
Du Havre au bar Les Souffleurs dans le Marais, des soirées queer Flash Cocotte au plateau de tournage de De la Terreur mes soeurs ! et à la prépa de son premier long, Les Reines du drame, on a retracé le parcours de ce petit prince du trash qui fera bientôt trembler le cinéma français.
Photo de couverture : (c) Paloma Pineda