3 films coups de cœur vus aux Arcs Film Festival 2024

Niché au cœur des Alpes, les Arcs Film Festival promeut chaque année la diversité du cinéma européen, avec une sélection originale et exigeante. Alors que l’édition 2024 se clôt ce samedi, retour sur trois films marquants, à voir bientôt en salles. Au programme – une pétillante romcom avec Camille Rutherford, une tragi-comédie roumaine et un film percutant sur le déclassement social, porté par Vincent Lindon.


Ce nouvel an qui n'est jamais arrivé
© Memento Distribution

Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé de Bogdan Mureşanu (sortie le 26 mars)

24 heures pour décrire la chute de la dictature de Ceaușescu, le basculement d’une Roumanie sclérosée vers la révolte. C’est l’ambition de ce premier film choral éclaté, qui fait le choix d’emprunter des chemins de traverse intimes pour raconter la chute, le 21 décembre 1989, d’un Etat liberticide. Soit six personnages – dont deux particulièrement réussis, une actrice de théâtre forcée de faire la propagande du régime et un ouvrier – qui se débattent dans les tourments d’une histoire dont ils ignorent l’issue.

Il y a un peu du Magnolia de Paul Thomas Anderson dans cette structure ambitieuse, pleine de ramifications qui égarent le spectateur, le malmène. Mais c’est surtout le resserrement temporel du récit, sa mise en scène tout en apnée – des zooms comme des tics de langage, une caméra à l’épaule documentaire, des discussions à huis clos filmées au plus près des visages, le recours à l’imagerie télévisuelle – qui font de cette comédie humaine un traité malin sur l’émancipation politique.   

Jouer avec le feu
© Felicita – Curiosa Films – France 3 Cinema

Jouer avec le feu de Muriel et Delphine Coulin (sortie le 22 janvier)

Tout laissait croire que le nouveau film de Muriel et Delphine Coulin (Voir du paysDix-sept filles) serait une brûlante plongée politique. Librement adapté de Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin, il raconte la radicalisation de Fus (Benjamin Voisin), fils d’un cheminot (Vincent Lindon) et aîné d’un cadet brillant (Stefan Crepon). Quand il n’est pas au foot, il copine avec des groupuscules identitaires pour tuer le désespoir et chasser la misère sociale qui guette.

Plutôt que d’embrasser les raisons de ce glissement vers des idées d’extrême-droite, d’en dérouler les causes, les sœurs Coulin filment avec une lenteur glaçante les liens qui se distendent, l’incompréhension qui s’installe pernicieusement entre des êtres. 

Jouer avec le feu est un film de chambre sur le crépuscule d’une famille, qui congédie hors champ toute psychologisation et dramatisation des faits. Au point que les repères extérieurs – la montée de la violence, le déclassement social, le paysage désolé d’une Lorraine post-industrielle laissée pour morte – en deviennent presque des échos abstraits.

Jane Austen a gâché ma vie
© Les Films du Veyrier/Sciapode

Jane Austen a gâché ma vie de Laura Piani (sortie le 22 janvier)

Est-il encore possible de penser le romantisme, sans cynisme ni grincements de dents, après MeToo ? Laura Piani en fait la démonstration avec cette comédie maline sur une libraire parisienne (Camille Rutherford et son irrésistible intelligence émotionnelle) en panne d’amour.  Jane Austen en intraveineuse, réfractaire à la drague ubérisée des applis de rencontre, elle finit par débarquer dans une résidence d’écriture en Angleterre…

Méfiez-vous de ce pitch fleur bleu.  Jane Austen a gâché ma vie est d’une trempe plus acide – de celle des comédies british comme 4 mariages et un enterrement, capables de creuser, sous une trame classique de love interest, les affres de la solitude, les amers changements d’humeur des affects. Aux injonctions capitalistes de l’amour (jouir sans entrave, parfois jusqu’à oublier l’autre) et aux rapports de séduction coercitifs, le film propose une voie alternative, teintée d’une profondeur burlesque.