« Scenes from a Marriage », la série-événement avec Jessica Chastain et Oscar Isaac

C’est la série incontournable de la rentrée : Hagai Levi (« The Affair », « BeTipul ») réunit les magnétiques Jessica Chastain et Oscar Isaac dans une relecture américaine de l’œuvre culte de Bergman, « Scènes de la vie conjugale ». Une dissection du couple, de l’adultère, de l’amour et du désir comme autant de mystérieux objets ésotériques.


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Le fantôme d’Ingmar Bergman semble bien décidé à hanter l’année 2021. Après l’acquisition par Netflix de plusieurs films du réalisateur suédois (dont la version cinéma de Scènes de la vie conjugale, Golden Globe du meilleur film étranger en 1975) ; après la sortie, au printemps, de la troisième saison de la série d’Aziz Ansari Master of None, baptisée « Moments in Love » et inspirée de celle de Bergman ; après la sortie, cet été, du film de Mia Hansen-Løve Bergman Island, situé sur l’île de Fårö où s’était installé le cinéaste… le show runner israélien Hagai Levi entre dans la ronde et entraîne avec lui un casting hollywoodien stupéfiant (Oscar Isaac et Jessica Chastain, qu’on leur donne tout de suite un Emmy Award).

Série en six épisodes diffusés à la télévision suédoise en 1973 (à qui l’on attribua, à l’époque, une vague de divorces en Suède), Scènes de la vie conjugale fut condensée en long métrage pour sortir au cinéma en Suède et à l’étranger en 1974. L’œuvre s’est depuis imposée comme une influence majeure pour bon nombre de cinéastes : Woody Allen pour Annie Hall (1977) ou Maris et femmes (1992), Richard Linklater avec sa trilogie Before (1995-2013) ou, plus récemment, Noah Baumbach avec Marriage Story (2019).

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Qu’est-ce qui fait qu’un couple fonctionne ? La question, posée dès les premières minutes de Scenes From a Marriage par une étudiante venue interroger un couple pour son mémoire, tourmente les protagonistes et traverse les cinq épisodes de la minisérie. Hagai Levi et sa coscénariste, la dramaturge américaine Amy Herzog, proposent une relecture originale des dynamiques internes au couple hétérosexuel bourgeois, avec finesse et sans manichéisme, en inversant les rôles écrits par Bergman. Cette fois, c’est la femme, Mira, qui doute et trompe, gagne le mieux sa vie et travaille le plus. Et c’est l’époux, Jonathan, qui est davantage ancré dans le foyer : chercheur en philosophie, il travaille de chez lui et s’occupe de la petite fille unique du couple, âgée de 4 ans au début de la série.

Chaque épisode d’une cinquantaine de minutes, entre lesquels plusieurs mois s’écoulent, est si dense et si tendu qu’on finit épuisé, physiquement et psychologiquement. Mais on rembobine les scènes, pour le plaisir des dialogues, si brillamment écrits, construits et interprétés. Concentré immersif des rapports amoureux, s’étalant sur plusieurs années, Scenes From a Marriage est une master class de narration et de jeu. C’est aussi une série qui coûte à son public, le forçant à analyser ses propres schémas, à remuer son passé et à s’interroger sur son présent. Les amoureux sont des gens qui doutent, même s’ils se persuadent parfois du contraire.

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C’est une plongée éreintante dans une intimité suffocante, où l’on se sent presque de trop, tantôt voyeur, pervers et impuissant devant cette femme et cet homme qui s’aiment, se déchirent et (se) désirent. Levi filme leurs tête-à-tête en huis clos (la caméra ne quitte presque jamais leur demeure cossue, qui se transforme au fil des années et événements), dans des scènes qui s’étirent, discussions pratiques où l’on esquisse des gestes tendres, ponctuées de bassesses revanchardes, jusqu’à ce que l’élastique craque. Fin de la communication. La violence guette à chaque instant.

A partir du 13 septembre sur OCS