LE FILM : THE DEVIL
The Devil s’ouvre par l’accusation d’une femme à l’adresse de la caméra : « Vous ne savez pas qui nous sommes ! » Et se ferme sur la harangue d’un homme à une foule : « Nous sommes magnifiques. » Film-tract musical, il est engagé sur le fond et dialectique dans sa forme. Sur l’écran s’affichent des portraits de Noirs Américains anonymes filmés dans les rues, tandis que le chanteur Boogers scande ad libitum « If you look upon my face, you are watching now the devil » (qu’on pourrait traduire par : « si tu regardes mon visage, c’est le diable que tu vois »).
Ces visages qui scrutent la caméra laissent ensuite place à des corps subissant les coups de la police, à des figures du mouvement pro civil rights comme Fred Hampton, célèbre militant des Black Panthers. Au son de la musique qui monte en puissance, un groupe, une foule, un corps social en lutte contre les violences abusives dont ils sont l’objet se forme. Capturant l’avènement du Black Panther Party, fondé en 1966 en Californie par Bobby Seale et Huey P. Newton, The Devil donne à voir, en les entrechoquant, la vérité de ces archives et les cisèle pour souligner tout leur pouvoir d’incitation à l’action.
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LE RÉALISATEUR : JEAN-GABRIEL PÉRIOT
Né en 1974, le monteur Jean Gabriel Périot, né en 1974, a utilisé, dans la vingtaine de courts métrages qu’il a réalisés, l’image d’archive comme matière, pour donner à voir les grandes violences du XXème siècle, en montrant autant les rouages de leurs mises en scène que leurs zones d’ombre. Ses longs métrages reprennent ces thèmes et cette méthode. Dans Une jeunesse allemande (2015), il s’intéresse au passage à l’acte violent des membres de la Fraction Armée rouge allemande (la RAF, groupuscule d’extrême gauche allemand dissout en 1998).
Lumières d’été, son deuxième long métrage sorti en 2017, s’ouvre par le témoignage d’une survivante au bombardement d’Hirsoshima avant de suivre les pas du spectre de sa sœur, morte dans l’explosion. Le cinéaste s’essaie ensuite, avec Nos défaites (2019) à la reconstitution, en faisant rejouer à des lycéens des séquences de films de lutte, mesurant ainsi l’obsolescence de certains termes et concepts issus de Mai 68. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs cette année, et en salles le 30 mars 2022, Retour à Reims s’inscrit dans la lignée des films engagés du cinéaste. Adèle Haenel y récite le texte de Didier Eribon qui accompagne un montage d’archives télévisuelles ou cinématographiques montrant la classe ouvrière. Le film est un éloge vibrant aux luttes sociales qui ont traversé le pays ces dernières années.
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