Vu au Cinéma du réel : « Mafioso, au cœur des ténèbres » de Mosco Boucault

Après son puissant « Corleone, le parrain des parrains » (2019), dans lequel il revenait sur l’ascension et le règne criminel de Toto Riinà à la tête de Cosa Nostra, le documentariste Mosco Levi Boucault prolonge son enquête sur la mafia sicilienne, en s’intéressant cette fois-ci à certains de ses anciens disciples, désormais repentis. Une plongée noire et passionnante dans la psyché d’individus éduqués à la violence.


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« Vous savez, nous étions vraiment des bouchers. J’ai la chair de poule quand j’y pense. » Cagoulés, filmés en plans fixes, trois hommes se confessent sur leurs crimes passés. Ils sont maintenus dans l’ombre au premier plan, face à des fenêtres qui ne laissent passer la lumière que dans le fond du champ. Ces individus ont sévi pendant des années en Sicile, sous l’autorité de Toto Riinà, chef de la Cosa Nostra – l’une des plus grandes organisations mafieuses. Arrêtés dans les années 1990, ils ont d’abord été condamnés à perpétuité, avant de collaborer avec la justice italienne pour avoir une remise de peine. Ils se sont ensuite créés de nouvelles vies, de nouvelles identités, sans vraiment pouvoir faire une croix sur leur passé…

Mosco Boucault : « J’ai opté pour le documentaire, histoire de conjurer la mort »

Enquêteur hors-pair, Mosco Boucault (Roubaix. Commissariat central, affaires courantes) continue d’explorer les faces sombres de l’âme humaine, dans ce moyen métrage qui suit son entêtante fresque en deux épisodes Corleone, le parrain des parrains, diffusée sur Arte en 2019. On y apercevait déjà dans un dispositif assez similaire certains de ces trois repentis.

Ce nouveau film qui leur est consacré va nettement plus loin, et tente de comprendre comment de jeunes siciliens ont pu se laisser embrigader par la Cosa Nostra. Sans voix off, Mosco Boucault les écoute, patiemment, dérouler le fil : comment ils ont été approchés par les anciens, les sombres rituels d’initiation qui leur ont permis d’intégrer cette « famille » (il est question d’aiguille, de sang, d’image sainte brûlée et de fidélité promise) puis l’intégration complète des codes de la mafia (certains avouent avoir commis des meurtres dans la plus pure « indifférence », et ça nous file des frissons).

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Parallèlement à ces sombres confessions, Mosco Boucault intègre des séquences qui nous montrent les paysages sauvages, escarpés de la Sicile, décor idyllique comme définitivement entaché.  Il documente aussi ces crimes affreux en dénichant des photos de crimes de l’époque, montrant les victimes, ces « Justes » à qui le film est dédié et qui ont tenté d’arrêter d’une manière ou d’une autre la horde sanguinaire (le préfet Carlo Alberto dalla Chiesa, tué le 3 septembre 1982, ou le médecin légiste italien Paolo Giaccone, assassiné le 11 août 1982).

Ces sorties hors des dialogues qui se sont instaurés en huis clos (la prison où ils sont enfermés) entre le cinéaste et les criminels permettent de ne pas minimiser l’atrocité de leurs gestes. C’est toute la finesse de Mosco Boucault, qui ne tombe ni dans la fascination aveugle, ni dans la condamnation lapidaire.

: « Cinéma du réel » (édition 2022), jusqu’au 20 mars

Image © Folamour Productions

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