Vu à Venise 2023 : « El Conde », le film de vampires audacieux de Pablo Larraín

Deux ans après celui de la princesse Diana, le cinéaste chilien ressuscite le fantôme d’Augusto Pinochet sous une forme… vampirique. Il en tire un film bancal à des endroits, mais singulier et mordant dans sa confrontation entre deux mythes vieillissants, qu’on aurait tort d’enterrer trop tôt.


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Le film a obtenu le prix du meilleur scénario à la Mostra de Venise 2023 (retrouvez tout le palmarès ici).

La figure du vampire a-t-elle encore des choses à dire ?  De Nosferatu de Murnau (1922) à Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch (2013) en passant par Buffy contre les vampires ou la saga Twilight, il devient compliqué d’en renouveler la représentation. Avec El Conde le comte »), en Compétition à Venise, Pablo Larraín vient lustrer ce mythe qui a bien pris la poussière. Tout comme le décor de la scène d’ouverture du film – en noir et blanc –, qui nous place dans un ranch isolé, vidé, désuet. Seul et affalé sur son siège, le dictateur chilien Augusto Pinochet qui, de son coup d’État réussi contre le président Salvador Allende en 1974 (assassiné peu de temps après) à 2006 (année de sa mort), a violé à de multiples reprises les droits de l’homme, et régné d’une main de fer sur le pays.

On ne s’attendait pas à un biopic classique de la part du réalisateur de Jackie et Spencer, mais on n’avait pas imaginé un tel virage fantastique. Dans ce nouveau cru, qui croise la cruauté intrafamiliale de Succession et l’humour noir et collégial de La Famille Addams, Larraín pousse loin le principe de l’uchronie, en faisant de Pinochet un vampire âgé de plus de 250 ans, qui a fait croire à sa disparition mais qui rôde toujours autour de son peuple. Contre toute attente, le vampire-patriarche, autrefois inépuisable, fatigue, et veut définitivement mourir en cessant de s’abreuver du sang de jeunes innocents. 

Disons-le : on n’a pas suivi toutes les pistes narratives proposées par le film, qui nous a ici ou là dérouté (on pense notamment à un personnage de nonne, qui vient bazarder le récit). Mais on a aussi été séduit par des énormités (dont une, qui arrive sur la fin, et nous a fait bien sourire). Surtout, on trouve brillante l’idée de mettre en miroir deux mythes certes vieillissants, mais bel et bien vivants : d’un côté Pinochet, qui hante toujours son pays, meurtri par sa dictature sanglante ; de l’autre le vampire, qui commence à prendre un coup à l’écran. Malgré ses imperfections, El Conde plante comme un pieu dans le cœur cette idée forte : comme un vampire, l’extrême-droite peut mordre partout et à tout moment.

Le film sera diffusé à partir du 16 septembre sur Netflix.