Depuis des années, RichieBravo écume les dancings et les clubs défraîchis de Rimini, petite cité italienne sur la côte adriatique. Ce géant à la mèche blonde et aux costumes kitsch y caresse de sa voix et de son charisme de crooner des retraitées conquises. Seulement, Richie a une villa avec piscine et un alcoolisme à entretenir. Alors, pour arrondir les fins de mois, il vend ses charmes aux plus offrantes…
On en a vu, des portraits de losers magnifiques au cinéma. Pourtant, quelque chose dans le personnage de Richie captive d’emblée. Peut-être parce que le voir se lever chaque matin pour assurer sa survie, peu importe la violence de la gueule de bois et de la précarité, avec une sorte d’enthousiasme bonhomme et d’irrépressible foi en la vie, a quelque chose d’impressionnant. À le regarder se lancer inlassablement dans les rues et sur les plages noyées de brume de Rimini, affublé de son manteau de viking en peau de bête, on admire son énergie à maintenir une existence si triste. Et ce n’est pas l’arrivée inattendue de sa fille tout juste majeure, qu’il n’a quasiment pas vue depuis le berceau et qui vient lui demander sèchement réparation, qui va l’abattre – bien au contraire.
Si on regrette une certaine complaisance misérabiliste de la part de Seidl, notamment quand il filme à plusieurs reprises le père de Richie et ses très gênants accès de nationalisme en maison de retraite, on finit étrangement par se caler sur le rythme de son héros, pour au final mieux comprendre ses failles et ses parts d’ombre, plus souterraines que ce qu’on aurait pu croire.
Et Seidl de ne pas oublier de faire apparaître, en filigrane, la violence d’une autre misère, celle des migrants qui s’échouent dans une ville côtière qui ne daigne même pas leur offrir des chambres d’hôtel vides alors que, visiblement, elle en regorge.