« Je voudrais parler de Duras. » Ce sont à peu près les premiers mots que prononce Yann Andréa () quand la journaliste Michèle Manceaux (géniale Emmanuelle Devos), amie de Marguerite Duras, lui rend visite pour conduire l’interview qu’il lui a demandée. Avant que le micro ne soit enclenché, le son de la scène est étouffé, voire inaudible. Il nous faut entendre le grésillement du micro pour que les mots nous parviennent.
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En mettant en scène l’artifice de ce dispositif d’enregistrement, Claire Simon matérialise très finement le caractère évanescent, insaisissable de la passion, cet endroit « où on est sourd et aveugle » comme l’écrivait Duras. Vous ne désirez que moi est un passionnant film-labo, une fiction-documentaire qui nous fait entrevoir Duras, l’écrivaine et la femme, racontée par les mots d’un autre. Mais le mystère que, dans le film, les mots cherchent à percer est moins dirigé vers elle que vers une relation faite d’admiration, d’emprise, peut-être d’amour, et vers un homme dépossédé de lui. Dans ce flux de paroles, qui tente de décortiquer le lien entre une vieille dame et un jeune homme homosexuel, c’est aussi le récit d’une émancipation qui s’entend, l’expression d’une individualité qui se réalise enfin par l’enregistrement.
Vous ne désirez que moi de Claire Simon, Dulac (1 h 35), sortie le 9 février
Image (c) Les films de l’après midi