Si la comédie est cool aux États-Unis, avec des productions à la fois auteur et mainstream à la , le genre est traditionnellement plus snobé en France. C’était sans compter l’arrivée en force d’une gaillarde nouvelle garde venue redorer le blason de la comédie française. Alors aux côtés de ou , Justine Triet a confirmé avec ce deuxième long métrage qu’en France aussi un film peut être à la fois drôle et intelligent, grand public et hyper maîtrisé.
Avocate, Victoria Spick (, devenue la figure chic de la comédie d’auteur avec son jeu élégant et mesuré), accepte de défendre un ami () accusé de tentative de meurtre par sa petite amie et qui a pour seul témoin son dalmatien. Mère célibataire, Victoria accepte à contrecœur d’embaucher un ancien client accusé de trafic de drogue () comme baby-sitter. De mauvais choix en coups du sort, la jeune femme sombre dans une drôle de dépression.
Après , tourné à l’arraché le jour du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012, Victoria s’inscrit dans une autre dynamique : gros budget, gros casting, scénario très (bien) écrit – les personnages, aussi secondaires et timbrés soient-ils, sont tous d’une consistance rare, et les dialogues, impeccablement ciselés.
Peaufinant son sens du rythme et de la formule, Justine Triet livre une délicieuse comédie d’introspection, avec son héroïne allenesque qui se remet en (mauvaises) question(s) à coup de séances ubuesques chez le psy («J’aimerais comprendre là où ça a merdé chimiquement dans ma vie»), la voyante, ou l’acupuncteur. Mélangeant les genres (le film de procès, la satire, le drame, la romance), renversant les codes et les clichés (la femme a le pouvoir et l’argent, l’homme est maternel et sentimental), sa comédie dépressive a le même esprit de contradiction que son héroïne des temps modernes («Tu as le sens du drame, tu me fais peur», lui confiera son prétendant) – et nous charme tout autant.