Un été avec Truffaut

Revisitons, le temps des vacances, les années d’or de François Truffaut. Sept films sortis entre 1968 et 1978 ressortent au cinéma en copies restaurées. Des œuvres reliées par leur ambiguïté et un sens inouï du romanesque.


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« Est-ce que l’amour fait mal ? » demande Catherine Deneuve à Jean-Paul Belmondo dans La Sirène du Mississipi. Truffaut filme l’amour fou, tellement intense qu’il met en danger de mort. Dans ce film, un riche industriel continue à aimer une femme, alors même qu’il sait qu’elle l’empoisonne doucement – bizarrement, on retient qu’elle l’aime aussi. Dans L’Histoire d’Adèle H., la fille de Victor Hugo se perd dans la spirale de son obsession amoureuse, jusqu’à sombrer dans la précarité.

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« Les enfants sont très solides, ils se cognent contre tout, ils se cognent contre la vie, mais ils ont la grâce. » Ce dialogue de L’Argent de poche, portrait des jeunes habitants de la ville de Thiers, résume bien la façon dont Truffaut filme l’enfance, avec empathie et sans pathos. Délaissé par ses parents et élevé par sa grand-mère, le cinéaste s’identifiait sûrement au jeune garçon de L’Enfant sauvage retrouvé dans une forêt en 1798, qui a grandi sans éducation mais surtout sans amour.

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Juste avant de commencer La mariée était en noir, dans lequel une mariée vengeresse séduit ses proies avant de les achever froidement, Truffaut bouclait son livre d’entretiens avec Hitchcock. Dans la psychologie trouble du personnage fascinant et brisé joué par Jeanne Moreau, on peut voir l’influence du maître britannique. Même ambiguïté dans sa manière de filmer l’usurpatrice d’identité (Catherine Deneuve) de La Sirène du Mississipi, aussi maléfique que grande amoureuse.

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Depuis ses débuts, François Truffaut est lié à Paris. Dès lors, on peut voir ses incursions en province (L’Argent de poche à Thiers, L’Enfant sauvage en Aveyron, La Chambre verte à Honfleur…) comme un moyen pour lui d’oxygéner son cinéma. Sa manière de filmer des villes comme Montpellier est antitouristique, sans monument reconnaissable. Pour La Sirène du Mississipi à La Réunion ou L’Histoire d’Adèle H. à Halifax, le fait de se délocaliser permet à Truffaut de mieux saisir la perte de repères de ses héros.

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Il est impossible d’oublier la diction tendre de Truffaut quand, dans le rôle du médecin qui recueille le garçon de L’Enfant sauvage, il tente de lui apprendre à dire son nom. On se souvient aussi du générique parlé de La Sirène du Mississipi, dans lequel la voix éthérée de Delphine Seyrig se mêle à celles de Belmondo et de Deneuve pour lire des petites annonces. Truffaut est attentif à la musique des acteurs, du débit halluciné d’Isabelle Adjani au timbre cendré de Charles Denner ou au ton monocorde de Jeanne Moreau.

François Truffaut. Les années d’or rétrospective, sept films (Carlotta Films), ressortie le 3 août

Image de couverture : La Chambre verte