Les frères Baur, photo de tournage (© Juliette Gamblin)
« On voit Simon et Raymond Baur, les deux acteurs principaux du film. Ils me font rire avec leur posture de boxeurs ! Ils ont passé toute leur vie à s’entraîner ensemble. Ce sont des champions d’arts martiaux de très haut niveau – ils ont été au championnat du monde de kung-fu. Je les avais vus pendant des répétitions, et je les avais trouvés magnifiques. Il y a quelque chose de très doux entre eux. La tendresse, la manière qu’ils ont de se regarder, de se toucher… Toute cette partie-là est vraie dans le film. Ce qui fait que je n’avais pas à tricher là-dessus.
Avec eux, ça a été un très long travail, déjà pour les trouver, et ensuite pour les répétitions qui ont duré sept mois, parce que je voulais adapter le film à ce qu’ils sont. Il y a ce mélange entre eux de caresses et de coups – les gars se frappent quand même pendant tout le film ! J’ai remarqué que si au scénario j’avais tout fait pour les différencier, au montage je n’ai cessé de les rapprocher. En tout cas, j’ai essayé de faire en sorte qu’il n’y ait pas un bourreau et une victime, mais deux bourreaux et deux victimes. Et j’ai pu tourner des scènes de fou grâce à eux, des plans-séquences de coups sans coupe. »
« Nos cérémonies » de Simon Rieth : grâce juvénile
Simon Rieth et son petit frère, photo de famille (© Simon Rieth)
« Je suis avec mon petit frère, Hugo, qui est à gauche, et qui a un an de moins que moi – je devais avoir 5 ou 6 ans. La photo a été prise sur la plage de Pontaillac, qui apparaît dans le film. Avec Nos cérémonies, je voulais raconter une histoire d’amour fraternelle. Je suis parti de ce qu’il y a de plus personnel. Avec mon frère, on a une relation un peu particulière : je l’ai fait jouer dans presque tous mes courts [Feu mes frères, 2016 ; Sans amour, 2019 ; Marave challenge, 2019, ndlr].
C’est la première fois qu’il ne joue pas pour moi. Depuis que je suis tout petit – à mon avis depuis cet âge-là –, j’ai toujours voulu être réalisateur. Il y a environ deux ans, j’ai retrouvé des vidéos où, enfant, je mettais en scène mon frère avec une caméra de famille. C’était fou. Je n’en ai même pas le souvenir. C’étaient toujours des films de shérifs, d’extraterrestres, de robots… Des trucs d’enfants, quoi. J’ai toujours mis en scène mon frère et, le jour où j’ai fait Nos cérémonies, il n’a pas joué le rôle principal. Peut-être que justement j’avais besoin de prendre cette distance-là. »
« On a coupé cette séquence, mais dans le film j’ai quand même voulu que la jeunesse apparaisse. On a vu plus de 1 500 jeunes, donc c’était un énorme casting. On a constitué cette bande, et j’ai pris chacun pour ce qu’il est. Il y a un aspect documentaire, et c’est ce qui me permet aussi de jouer sur les contrastes, j’aime beaucoup ça. C’est un film qui est habité par la mort, et ces jeunes y apportent de la vie, de l’amour, du désir, leur manière d’être qui est tellement vivante et puissante que, au final, c’est aussi ça qui reste beaucoup.
Avec Nos cérémonies, il y avait un truc de réaction contre certains films sur les jeunes : je m’étais dit que, quand je ferais mon premier long métrage, je réaliserais un film de vrais jeunes. Pas une jeunesse idéalisée – ce n’est pas le teen movie merveilleux, avec des scènes de soirée où il y a tout le temps de la musique electro, des jeunes en train de fumer des joints au ralenti avec des néons roses… Je ne suis jamais allé à une soirée comme ça – peut-être qu’on ne m’a jamais invité.
C’est pour ça que j’ai fait ma propre scène de soirée, dans une maison qui est baignée dans une lumière un peu verdâtre, avec des jeunes les uns sur les autres et un truc un peu dérangeant, malaisant, des gars qui étalent leur virilité et les filles un peu plus sur le côté. J’en ai vécu plein, des soirées comme ça, à Montpellier [où le cinéaste a vécu, ndlr]. J’ai commencé à écrire le film quand j’avais 23 ans. Je sortais juste de l’adolescence, j’étais pion dans un lycée à Paris, où je suis arrivé après le bac. J’étais proche des jeunes et je me suis énormément nourri de ça. »
Les acteurs interprétant la bande de jeunes, sur la côte sauvage de Royan, photo de tournage (© Wenael Dard)
Storyboard de la scène de pendaison (© Dethvixay Banthrongsakd)
« C’est exactement la maison de ma grand-mère, à Royan – on allait chez elle tous les étés, mon frère et moi, quand on était petits. Il y avait une fenêtre qui donnait sur un arbre. Cette séquence de la pendaison [une des « cérémonies » du film, rituels lors desquels les deux frères jouent avec la mort, ndlr], c’est la première image que j’ai eue en tête, avant l’écriture du scénario. J’imaginais un cadre extrêmement précis, avec une caméra qui rentre, ressort. J’avais l’idée d’un cadre dans le cadre. Et, surtout, j’avais l’idée de filmer une pendaison en plan-séquence. Ce qui me semblait ne pas exister au cinéma. Pour moi, c’est un plan qui est ultra important : c’est le pacte avec le spectateur. Dans le film, la violence est toujours là, mais je ne voulais pas que ce soit une violence qui ait des éclats. Je voulais qu’elle soit filmée dans une certaine banalité. »
Image de couverture : Photo de repérage (c) Inès Daien Dassi et Simon Rieth
Nos cérémonies de Simon Rieth, The Jokers / Les Bookmakers (1 h 44), sortie le 26 avri