PORTFOLIO — Rohmer aux quatre saisons

Arte rediffuse « Conte de printemps », chassé croisé philosophique et intellectuel jubilatoire sur les pièges de l’amour. L’occasion de republier ce portfolio consacré à l’art d’Éric Rohmer.


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Françoise Etchegaray a été la collaboratrice d’Éric Rohmer pendant près de trente ans. En marge de la sortie de son recueil de souvenirs, Contes des mille et un Rohmer, elle nous a laissé piocher dans ses archives personnelles quelques clichés inédits du cinéaste au travail.

Depuis Le Rayon vert (1986), Etchegaray a tenu à peu près tous les rôles aux côtés de Rohmer : productrice, scripte, cadreuse, ingénieure du son, actrice, cuisinière… L’aîné de la Nouvelle Vague se serait même parfois inspiré d’elle pour quelques personnages. C’est par une heureuse coïncidence que les deux personnalités opposées – Rohmer était un peu control freak sur les clopes, le sucre et le cholestérol, quand Etchegaray paraît plus épicurienne – se rencontrent en 1973 dans les bureaux d’Élite Films, où Etchegaray travaille avec Jean Eustache. Accueillir le hasard, les aléas, toujours savoir s’adapter, cela semble justement être le geste adopté par le cinéaste et celle qui l’épaule. Avec malice, drôlerie et émotion, elle dévoile les multiples facettes intimes de ce réalisateur secret qui ne voulait jamais être pris en photo.

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Françoise Etchegaray et Éric Rohmer en repérages pour Les Jeux de société (1989)

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Éric Rohmer attendant son chauffeur « RATP » sur le tournage de Conte d’hiver avec Frédéric Van den Driessche et Charlotte Véry

« À partir des Nuits de la pleine lune (1984), Rohmer a voulu revenir à la légèreté de ses débuts : un chef op, un ingénieur du son… Il préférait travailler avec des gens comme moi qui faisaient un peu tout, de la production à la cuisine en passant par le ménage, qu’avoir un assistant qui lui portait son fauteuil. D’ailleurs, quand on me demandait où était son chauffeur, je répondais : “Son chauffeur, il s’appelle RATP ou SNCF. »

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Photogramme et photo de tournage de L’Anglaise et le Duc (2001).

« L’Anglaise et le Duc (2001) nécessitait beaucoup de moyens, avec des incrustations numériques Quand on est arrivés dans le grand studio avec les fonds verts, c’était tellement imposant que Rohmer a eu peur… En l’an 2000, ce n’était pas encore au point techniquement… On avait fait des essais, et à l’écran les comédiens rentraient dans les murs ! Une fois le film terminé, il m’a demandé : “Comment on a réussi à faire ça ?” Et moi de lui répondre : “On y a cru.” »

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Tournage de Conte de printemps (1990).

« Je ne sais pourquoi je me suis aventurée à lui dire que, parmi tous ses films, mon préféré était Ma nuit chez Maud. Il en a fait un bond ! Il disait : “À quoi bon se donner encore la peine de travailler, alors ? Le meilleur film, c’est le prochain qu’on fera ensemble !” Je lui ai quand même posé la question de son film favori parmi tous les titres de sa filmographie. Il m’a répondu “Si vous voulez tout savoir, c’est Conte de printemps, car c’est le plus secret.” »

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Tournage des Jeux de société (1989).

Repérages à Villejuif pour Conte d’hiver (1992).

« Il me disait : “Plus on vieillit dans ce métier, plus on sait qu’il faut enlever la lumière.” Une fois, il y avait un film américain qui se tournait avenue Marceau. Il y avait dix camions, juste à l’angle, et un temps absolu­ment incroyable. Éric m’a demandé : “Vous voulez voir du vrai cinéma ?” On s’est cachés derrière un arbre pour voir ce qui était le contraire de son approche : alors que le soleil était zénithal, il y avait dix projecteurs braqués sur la main d’un acteur ! Lui, Rohmer, il repérait les bonnes heures pour tourner, et cela pouvait lui plaire aussi, un ciel un peu gris. »

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Rohmer dans le quartier de la Villette, sur le tournage des Rendez-vous de Paris (1995).

« Il avait un rapport fort à l’architecture : ces villes nouvelles – Marne-la-Vallée dans Les Nuits de la pleine lune, Cergy-Pontoise dans L’Amie de mon amie… –, ou encore la modernité du quartier de la Villette dans Les Rendez-vous de Paris. On faisait beaucoup de repérages ensemble, et Cergy en construction, sans aucune pancarte, c’était un enfer. Moi, j’en avais assez d’être au milieu de nulle part, et lui était fou de rage. »