Dans The Last Picture Show (1971), film qui lui apporta la renommée, Peter Bogdanovich chroniquait avec justesse l’Amérique des années 1950, sur le point de basculer dans l’effervescence des seventies, en filmant la vie de jeunes texans, pris entre énergie érotique et ennui poisseux. Dans un entretien réalisé lors de la présentation cannoise de Julie en 12 chapitres, le réalisateur norvégien Joachim Trier nous confiait d’ailleurs sa tendresse pour la mélancolie de ce film : « Vous avez vu The Last Picture Show de Peter Bogdanovich ? Il y a dans ce film une scène où un vieux cow boy s’assoit près de jeunes gens et leur raconte ses souvenirs d’un Ouest américain qui a totalement disparu. Je ne sais rien des cow-boys, mais je suis toujours ému par ces personnes qui se rendent compte que leur temps est passé. J’essaye de retranscrire ce sentiment. »
Avec ce film radical et subversif, ce cinéaste entré dans le monde du 7e art par la critique lançait les prémisses du Nouvel Hollywood, aux côtés de Martin Scorsese et Francis Ford Coppola, qui lui a d’ailleurs rendu hommage sur les réseaux, comme le rapporte Deadline : « Je suis dévasté. C’était un grand et merveilleux artiste. Je n’oublierai jamais la première de The Last Picture Show. Je me souviens de la fin de la projection, le public s’est levé (…) pour applaudir pendant au moins quinze minutes… Qu’il repose dans la joie pour l’éternité, en savourant le moment exaltant de nos applaudissements pour toujours ».
Après le succès de The Last Picture Show, nommé huit fois aux Oscars et lauréat de deux statuettes, il réalise deux films qui rencontreront leur public : On s’fait la valise, Docteur (1972), une screwball comedy en forme d’hommage aux dialogues savoureux d’Howard Hawks, et un road-movie situé dans les années 1930, La Barbe à Papa (1973).
Par la suite, le réalisateur ne renoue pas avec le succès, et passe devant la caméra. En tant qu’acteur, il tournera avec John Cassavetes (Opening Night, 1977), Noah Baumbach (Highball, 1997) ou encore dans un court-métrage de Sofia Coppola (Lick the Star, 1998). En 2004, il réalise quelques épisodes de la série Les Sopranos, avant de travailler en 2018 sur la finition De l’autre côté du vent, film maudit d’Orson Welles entamé dans les années 1970 dans lequel il tenait un rôle.
« The Other Side of the Wind » d’Orson Welles : histoire d’un film inachevé
Image (c) NBC Universal