« L’Enlèvement » de Marco Bellocchio : ce qu’en pensent les critiques sur Twitter
Peu de cinéastes auront tourné et retourné l’histoire de leur pays comme Marco Bellocchio avec l’Italie. Que ce soit le fascisme mussolinien (Vincere en 2009), les Brigades rouges (Buongiorno, notte en 2003 puis la série Esterno notte, sortie en 2023 et dispo sur Arte) ou la mafia (Le Traître en 2019), le réalisateur n’aime rien tant que les déséquilibres et mouvements de bascule qui affaiblissent autant qu’ils façonnent une société. Il en apporte une nouvelle preuve à 83 ans avec Rapito, un drame lyrique impressionnant de maîtrise. Cette fois, la bascule est l’enlèvement, à Bologne en 1858, d’Edgardo Mortara, enfant juif de six ans. Parce qu’il aurait été baptisé par la bonne de la famille, à l’insu de ses parents, quand il était bébé, l’Église catholique, emmenée par le pape Pie IX, l’arrache à sa famille pour l’élever dans la foi chrétienne.
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Cette tragédie intime devient, devant la caméra de Bellocchio, une magnifique fresque baroque et généreuse. À 83 ans, le cinéaste n’a rien perdu de ses velléités de grandeur et compose ses plans comme des tableaux du Caravage, tout de clair-obscur, de musique symphonique et de rimes. Le montage alterné d’un procès et d’une confirmation, le motif de l’enfant réfugié sous la jupe de sa mère d’abord, celle de Pie IX pendant une partie de cache-cache ensuite, ou encore une sublime scène dans laquelle le petit Edgardo enlève les clous d’un Christ en croix, élèvent la mise en scène au-dessus de son classicisme.
L’Église, que Bellocchio a déjà fustigée à plusieurs reprises (Le Sourire de ma mère, Au nom du père) devient ici le symbole de tous les conservatismes opposés à la marche du monde. Car ce que raconte Rapito, au-delà du combat de parents désespérés, c’est bien la naissance d’une nation italienne contemporaine. À mesure qu’Edgardo oublie son histoire et sa religion, l’armée piémontaise travaille à l’union du pays, envers et contre le Vatican. La trajectoire de l’enfant, puis du jeune adulte, porte toutes les contradictions d’une Italie constamment déchirée entre sa religiosité et ses envies d’indépendance, qui a bien du mal, encore aujourd’hui, à sortir des jupons du pape.
L’Enlèvementde Marco Bellochio, Ad Vitam (2 h 14), sortie le 1er novembre
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