« Le Procès Goldman », le film de procès bluffant de Cédric Kahn

Cédric Kahn revient sur une affaire qui a passionné l’opinion publique française dans les années 1970. En résulte un film de procès dense et saisissant, à la mise en scène aussi sobre que ses interprètes sont flamboyants.


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Si ce n’est le frère aîné du chanteur Jean-Jacques, qui peut bien être Pierre Goldman ? La question parcourt Le Procès Goldman, qui ouvrait en mai dernier la Quinzaine des cinéastes du Festival de Cannes. Elle se pose au jury chargé, en 1976, de trancher le sort de l’homme condamné en première instance pour des braquages et le meurtre de deux pharmaciennes. Elle se pose au président de la cour d’assises, bien en peine de comprendre les motivations du militant d’extrême gauche tenté par le banditisme. Elle se pose à ses avocats, incapables de contenir ses coups de sang, déroutés par son refus de faire intervenir des témoins en sa faveur puisqu’il est, clame-t-il, « ontologiquement » innocent. Elle se pose, enfin, aux spectateurs et spectatrices de ce film de procès dense et fébrile. Le Procès Goldman s’articule autour des points de bascule d’une audience chaotique.

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Chaque fois qu’un aspect de l’affaire semble entendu, le voilà aussitôt ramené, par un témoignage contradictoire, dans une zone de flou inconfortable. En creux s’esquissent deux portraits. D’abord, celui – nuancé – d’un homme pénible et flamboyant à la fois, tour à tour délirant et d’une implacable logique, habité par les fantômes de l’histoire de ses parents, des immigrés Juifs polonais, victimes de l’holocauste. Ensuite, celui d’une société déchirée dont la salle d’audience devient la caisse de résonance. La question du racisme systémique de la police ou des violences de l’extrême gauche permet de passer sans effort des moustaches et pantalons pattes d’eph des années 1970 aux débats les plus récents. Si Cédric Kahn fait le choix, pour un film autant tourné vers le verbe, d’une mise en scène sans fioritures et d’une image crûment éclairée, c’est qu’il fait entièrement confiance à ses acteurs brillants.

Face à Arthur Harari, méconnaissable dans la robe de maître Georges Kiejman, et Nicolas Briançon, parfait en avocat de la partie adverse habitué aux joutes de prétoires, Arieh Worthalter fait de Pierre Goldman un être tout en nervosité. C’est lorsqu’il faut, enfin, rendre les armes et attendre, impuissant, le verdict, que Le Procès Goldman enfonce le clou de sa démonstration. La justice ne peut se départir de son paradoxe fondamental : appliquer un cadre rigide à des individus qui ne le sont pas, et s’accorder sur une vérité qui n’est pas nécessairement absolue.

Le Procès Goldman de Cédric Kahn, Ad Vitam (1 h 56), sortie le 27 septembre