LA SEXTAPE · « Titanic » de James Cameron : le vestige d’une nuit d’amour émancipatrice

Lorsqu’on évoque « Titanic » de James Cameron, qui ressort en salles le 8 février, une réplique surgit : « Je suis le roi du monde ! », hurlée par Leonardo DiCaprio sur la proue du navire. Mais elle fait oublier le cœur battant du film, contenu dans une autre réplique.


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« Jack, je veux que tu me dessines comme l’une de tes Françaises. » Cette réplique brûlante est prononcée par Kate Winslet et c’est elle, symboliquement, qui précipitera le « paquebot de rêve » dans les abysses. Car Titanic n’est pas le récit d’un naufrage, mais celui d’une émancipation fiévreuse, le souvenir intime d’une femme, Rose, qui s’est sauvée toute seule alors qu’elle n’était qu’une jeune femme bien élevée qui « hurlait intérieurement ». Titanic est un récit merveilleux, conté par une vieille dame qui se souvient du moment le plus érotique de sa vie comme du point de départ d’une nouvelle existence, créatrice et aventureuse.

Dramaturgiquement, le Titanic heurte l’iceberg à la suite de la scène d’amour entre Rose et Jack, comme si les deux événements étaient liés. À peine les jeunes amants rhabillés, le paquebot se met à trembler à son tour. Lui qui symbolisait l’hubris débridée des hommes est sur le point de sombrer, fragilisé symboliquement par la jouissance d’une jeune femme. « Jack, je veux que tu me dessines comme l’une de tes Françaises. » Lorsque Rose prononce cette phrase, c’est une transgression totale pour elle.

Elle détache sa chevelure de feu, laisse glisser son peignoir, dévoilant sa nudité à Jack, mais c’est elle qui reste la metteuse en scène de son émancipation tout au long de la scène. « En tant que cliente, je m’attends à obtenir ce que je veux », dit-elle. L’émoi de Leonardo DiCaprio ne sera pas feint, d’autant que c’était la première scène qu’ils tournaient ensemble. Il en perdit même son texte, médusé par la beauté incandescente de Kate Winslet. S’ensuit l’une des séquences les plus érotiques de l’histoire du cinéma. Pour Rose, le naufrage sera sa chance : lorsqu’elle posera un pied en Amérique, ce sera en femme libre, la trace exhumée de sa main sur la vitre d’une voiture apparaissant comme seul vestige de leur nuit d’amour et de son secret.

Cette empreinte de main (en réalité celle de James Cameron) s’est imprimée dans notre mémoire collective, et le réalisateur lui-même s’en est amusé dans un tweet, car il a gardé la voiture, et l’empreinte n’a pas disparu, vingt ans après. Elle forme une sorte de tableau primitif, semblable à ceux des premiers hommes, trace d’une jouissance secrète qui est entrée dans l’histoire du cinéma.

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