LA SEXTAPE · « L’Été dernier », aboutissement du génie de Catherine Breillat

« L’Été dernier » est un film dont on ressort brûlés, incertains, presque honteux de l’avoir adoré. Il est un aboutissement du génie de Catherine Breillat, de l’intransigeance de son regard et de sa réflexion sur la représentation du sexe.


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Le sujet, l’époque, la longue absence de Catherine Breillat derrière la caméra : on entre dans la salle le cœur battant, comme dans une ruelle sombre une nuit sans lune. Et, contre toute attente, on y rencontre la grâce de ces amants maudits, Anne et Théo. Léa Drucker déambule en héroïne des années 1960, Samuel Kircher en adolescent délié et blafard des années 1990. Leur premier baiser est filmé en plan serré, de si près qu’il en devient une figure abstraite. Et pourtant, c’est un inceste [Paul Kircher campe le beau-fils de 17 ans de l’avocate renommée jouée par Léa Drucker, ndlr]. Breillat ne contourne pas l’obstacle. La réflexion sur l’abus est partout, droite, mais le vrai sujet du film est ailleurs, vers la tentation irrépressible de la chute et le pacte secret et trouble qui mène deux êtres au sexe. Lorsqu’on joue au jeu des différences avec Queen of Hearts, le film danois dont L’Été dernier est le remake, la justesse du geste de Breillat devient éclatante.

« L’été dernier » de Catherine Breillat : mécanique de l’abus

Dans le film originel, la belle-mère est désignée immédiatement comme une prédatrice ; c’est elle qui engage le premier baiser, fin de la pensée. Dans L’Été dernier, Anne s’abandonne presque malgré elle, et lorsqu’une larme perle sur sa joue après la question innocente de Théo sur sa première fois, on bascule, malgré nous, de son côté. Ce n’est qu’après, face à la possibilité de tout perdre, qu’Anne se révèle en monstre. Les scènes de sexe du film danois sont un succédané des thrillers érotiques des années 1980.

Catherine Breillat : « Je me suis faite toute seule, envers et contre tout le monde »

Dans L’Été dernier, ce sont de longs plans fixes, sans contrechamp. Le premier sur lui, le deuxième sur son visage à elle, comme sur le tableau de Caravage qui l’a inspirée, mystérieux, sublime et redoutable. Ce n’est pas la chair que filme Breillat. C’est une forme de communion, un abandon à la mort, un gouffre. Tout sauf la chair ; l’indicible. Avant de tourner, Breillat errait sur le décor, la nuit, pour réécrire ces scènes, hantée peut-être par le pressentiment qu’elles étaient la clé de son chef-d’œuvre. Comme celle que serre dans son poing Anne dans la dernière « scène de sexe » du film, et que l’on ne parvient pas à oublier.