LA SEXTAPE · Brad Pitt, la revanche d’un cow-boy armé d’un sèche-cheveux

Devant le documentaire « Brad Pitt. La revanche d’un blond », diffusé en octobre sur Arte, je songeais aux longues heures passées, adolescente, à rêver de l’acteur.


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C’est idiot. Comme l’héroïne de Légendes d’automne d’Edward Zwick, j’étais incapable de détacher mon regard de la perfection aliénante de ce demi-dieu formaté, inconsciente de l’imaginaire de western dentifrice qu’il trimballait. J’en étais dingue. J’usais mes VHS à force de rewinds, mais ne voyais pas que Hollywood l’avait façonné pour affoler les adolescentes comme moi. Il était né dans Thelma et Louise, torse nu, sèche-cheveux brandi et chapeau de cow-boy vissé sur la tête. Et cela a été un règne quasi sans partage pendant plus de vingt ans, comme s’il avait signé un pacte faustien. « Sa perfection pèse sur lui comme une malédiction », dit le documentaire de Thibaut Sève et Adrien Dénouette.

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Sa carrière entière peut être lue comme une fuite en avant pour échapper à cette prison dévorante, mutilant son corps de cinéma, malmenant son image, se lançant finalement dans la production – mais l’aura de sex-symbol restera intacte. Un détail, dans le docu­mentaire, m’a donné envie de me repencher sur la scène de sexe de Thelma et Louise. Le réalisateur Ridley Scott en personne avait pulvérisé de l’eau sur le ventre de l’acteur pour une prise. Brad devient le centre du désir et de toutes les attentions, disputant la place habituellement occupée par l’actrice. C’est lui qui est torse nu tandis qu’elle est habillée. Lorsqu’on revoit cette séquence, elle semble presque brouillonne, décou­sue. Bien sûr il y a ce plan avec le torse humi­difié de Brad Pitt et le glissement des jambes de Geena Davis sur le lit qui a cristallisé toutes les passions, mais le mystère est ailleurs, dans les plans coupés au montage, esthétisants, presque expérimentaux, dont on entraperçoit des bribes dans le documentaire.

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Le secret de cette scène mythique, c’est le hors-champ, pendant les trois jours qu’il a fallu pour la tourner, entre une actrice confirmée et un jeune acteur de soap terrifié qui se demande peut-être ce qu’il fait là, lui le bon garçon blond de la Bible Belt. Ce qu’il donnera de lui, on lui réclamera sans cesse ensuite. On le déshabillera, on le scrutera jusqu’à l’absurde, comme dans L’Étrange Histoire de Benjamin Button de David Fincher. L’ironie fera qu’il aura son premier Oscar en tant qu’acteur pour Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino, dans lequel il fait un clin d’œil à la scène de Thelma et Louise, torse nu sur un toit. Brad Pitt est le dernier sex-symbol hollywoodien à l’ancienne, un objet sexuel dévoré par la machine hollywoodienne, comme Marilyn avant lui. Mais il a survécu et fume torse nu une clope, splendide et serein, sur le toit de Hollywood.

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