LA NOUVELLE · Mathilde Chavanne : « Il ne faut pas trouver trop de réponses, sinon on arrête de faire des films. » 

Avec le doux et en-chanté « Pleure pas Gabriel » (court métrage présenté à la Semaine de la critique à Cannes en mai), la réalisatrice aux films intranquilles suit la virée d’un jeune prof dépressif (Dimitri Doré) le temps d’une nuit et d’une rencontre salvatrice.


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Mathilde Chavanne a tenu à témoigner d’un contexte politique hostile lors de la présentation de son court Pleure pas Gabriel à la Semaine de la critique en entonnant « On est là ! », ce chant populaire de lutte pour les travailleurs et contre le patriarcat. « On est là », c’est bien ce que disent ses films, qui ont l’effet d’une présence alliée, réconfortante autant qu’émancipatrice. 

La cinéaste née en 1992, originaire de la Bresse, approche les sentiments de tristesse et de solitude avec sincérité, drôlerie, profondeur. Elle pointe aussi ce qui dans la société les exacerbe. Dans Pleure pas Gabriel, le jeune prof joué par Dimitri Doré dit que sa dépression n’a pas qu’à voir avec un chagrin d’amour, elle est « à propos de tout ». Avec ses courts Amour(s) (2019), Noée dans la tempête (2019) ou Simone est partie (2021), Mathilde Chavanne fait des images avec ce « tout » vertigineux et lui donne une forme tout à la fois pop et nocturne – « Ce sont comme des moments de moi dessinés au feutre fluo. » Elle dit s’identifier à la phrase d’Édouard Levé dans son livre Autoportrait (2005) : « Comme je suis drôle, on me croit heureux. » 

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Ce souci d’ambiguïté infuse ses films, même si leur émotion est directe et parvient droit au cœur. Et si elle confie aimer les gens qui doutent, elle défend aussi la nécessité de s’affirmer : « On éduque les filles à se poser beaucoup de questions, à répondre à celles des garçons. Des fois, c’est bien les certitudes aussi, ça évite de tomber dans des boucles. » Dans Amour(s), l’un des plus beaux films d’enfance vus récemment, elle conjure sa peine amoureuse en sondant les mots, l’imaginaire d’enfants sur l’amour. Des situations d’intimité d’adultes rejouées par eux, dans leur candeur, nous interrogent sur ce à quoi on aspire, nous, à travers nos entremêlements amoureux. « Il ne faut pas trouver trop de réponses, sinon on arrête de faire des films. Le long métrage que j’écris, À la recherche du miraculeux, parle de ça. Il dira très au premier degré que l’espoir fait vivre. »

Photographie : Julien Liénard pour TROISCOULEURS