Séducteur ambigu dans Ma nuit chez Maud d’Eric Rohmer (1969), où il incarnait un ingénieur croyant et pascalien ; prof de philo torturé par un crime du passé dans Le Conformiste de Bernardo Bertolucci (1970); militant d’extrême droite pris au piège d’un triangle amoureux dans le Combat dans l’île d’Alain Cavalier (1962)…
La filmographie de Jean-Louis Trintignant, sous son apparence hétéroclite, cache une ligne de conduite que l’acteur n’a jamais trahie : un appétit pour le dialogue littéraire (sa complicité avec Alain Robbe-Grillet, son amour pour Apollinaire et Aragon) un tropisme vers les oeuvres inquiètes et funèbres (Trois couleurs : Rouge de Kieslowski, dans lequel il jouait un juge aigri), une connivence avec des réalisateurs engagés (Z de Costra-Gavras, brulot politique qui lui apporta la notoriété et lui valut le Prix d’interprétation à Cannes en 1969).
Révélé à l’international par Roger Vadim, qui lui confie en 1959 un rôle de grand timide épris de Brigitte Bardot dans le fiévreux Et Dieu… créa la femme, celui qui abandonna ses études de droit à Aix-en-Provence pour rentrer à l’IDHEC (devenu la Fémis) débute au théâtre, donnant notamment la réplique à Gérard Philipe dans Les Liaisons dangereuses 1960. Son charme discret, mélange de timidité et de nonchalance, explose chez Claude Lelouch, avec qui il tourne Un Homme et une femme, Palme d’or au Festival de Cannes en 1966, mais aussi Le Voyou (1970), dans lequel son timbre profond s’aiguise.
Chez Jacques Deray, il s’aventure dans des terres plus obscures, jouant un tueur implacable dans Flic Story (1975) ; chez Francis Girod, il explore sa facette cynique, en président boiteux inspiré de François Mitterand (Le Bon Plaisir, 1984). Dans les années 1990, il se fait plus rare, mais tourne avec Jacques Audiard deux films qui questionnent la vieillesse et le déclin, comme pour porter un regard plein de lucidité sur sa propre carrière : Regarde les hommes tomber et Un héros si discret.
Après un passage chez Patrice Chéreau (Ceux qui m’aiment prendront le train, 1998), il donne la réplique à Emmanuelle Riva dans Amour de Michael Haneke année, où il joue avec un mélange de tendresse et de cruauté un mari confronté au délitement physique et intellectuel de sa femme. Jean-Louis Trintignant, c’est enfin des projets avortés, des rôles manqués qui planent comme des fantômes sur une carrière iconoclaste : l’acteur a refusé de jouer dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (1979) et Rencontre du troisième type de Steven Spielberg (1977), qui confiera le rôle du scientifique Lacombe à François Truffaut.
Image (c) Les Films du Losange