Saint Laurent de Bertrand Bonello
Gaspard Ulliel s’est fondu dans un costume, celui du grand couturier Saint Laurent, qui aurait pu être trop bien taillé, c’est le danger du genre parfois engoncé du biopic. Mais avec Bertrand Bonello, il a préféré une approche décousue, à la chronologie chaotique, comme pour mieux représenter la part maudite du créateur, sa face tourmentée. Ulliel servait la partition avec une élégance éthérée, le regard toujours un peu ailleurs, comme hanté. Bien sûr, le film n’avait pas trop plu à Pierre Bergé – qui fut le compagnon de Saint Laurent – mais Ulliel n’était pas du genre à défendre des films « autorisés ».
En 2014, l’acteur nous avait confié que ce rôle avait changé le cours de sa carrière. L’interview à (re)lire ci-dessous.
9 doigts de FJ Ossang
À travers ce rôle qui tient plus d’une apparition, celui d’un médecin méticuleux auquel Ulliel conférait trouble et inquiétude, on voudrait souligner que l’acteur bankable prenait des chemins de traverse périlleux dans sa carrière. C’était le sens de sa collaboration : un tournage en 35 mm sur un cargo comme une aventure entre les Açores, la France, et le Portugal, et à l’arrivée un chef d’œuvre de science-fiction atone et poétique. Un univers qui lui allait comme un gant à neuf doigts.
Le Marais de Gus Van Sant – un segment de Paris, je t’aime
Dans ce film collectif et inégal sur Paris se détachait le court métrage de Gus Van Sant, qui valait surtout pour la présence de Gaspard Ulliel, le plus foudroyant des crush. Aux côtés de l’intimidante Marianne Faithfull dans le rôle d’une photographe, et d’Elias McConnell dans celui de son assistant, il joue un imprimeur, sorte d’éphèbe à mèche typique de l’univers du cinéaste. Il n’a qu’à s’appuyer sur une table de l’atelier devant l’assistant pour se muer en fantasme ultime. Seulement, c’est en imposant déjà son propre style qu’il perturbe un peu cette position : un regard pénétrant une voix grave et posée, un air hirsute, un peu brouillon. Surtout, cette étrangeté avec sa fossette creusée, et puis ce mystère irrésistible qu’il distille partout où il passe.
Juste la fin du monde de Xavier Dolan
Dans ce film où le cinéaste québécois invitait les acteurs et actrices français les plus cotés (Léa Seydoux, Nathalie Baye, Vincent Cassel, Marion Cotillard) pour réinterpréter la pièce de Jean-Luc Lagarce, il était au centre. Dans le rôle d’un jeune écrivain taciturne venant annoncer sa mort prochaine à sa famille, il impressionnait par ses silences, capables de communiquer mille émotions à la seconde, au milieu du brouhaha de ses partenaires, eux bien chargés en dialogues. Dolan est peut-être le cinéaste qui s’est le plus approché de lui, ses très gros plans captaient le moindre frémissement de son visage. Ulliel captivait aussi pour cette minutie.
En 2016, Gaspard Ulliel nous avait accordé un entretien pour nous parler de ce rôle délicat et de son goût pour les prises de risque. Il est à lire ci-dessous.
Sibyl de Justine Triet
Dans , Ulliel joue un comédien qui est aussi l’ex d’une actrice désespérée (Adèle Exarchopoulos), elle-même en analyse avec une psy (Virginie Efira) fascinée par son trouble. Alors qu’il nous avait plutôt habitués à des prestations dans la retenue, il brille ici dans un registre plus colérique, voire tempétueux. Il faut revoir cette séquence à la fois drôle et tragique où, sur un tournage de film, il règle ses comptes en chanson (et en italien) avec son ancien amour.