Après l’épuisant tournage aux Philippines d’Apocalypse Now, colossal film de guerre qui remporta la Palme d’or en 1979, Francis Ford Coppola voulut se frotter à la comédie musicale avec One From the Heart (Coup de cœur en VF).
L’histoire de Hank (Frederic Forrest) et Franny (Teri Garr), couple de Las Vegas à l’existence monotone qui se dispute un soir de fête nationale ; chacun va alors passer vingt-quatre heures loin du foyer et expérimenter une nouvelle aventure amoureuse (avec des personnages joués par Nastassja Kinski et Raúl Juliá). « C’est une comédie musicale très déroutante. Ce sont des voix extérieures qui chantent pour illustrer ce qu’il se passe dans la tête des héros », confie Anna Marmiesse, réalisatrice du court métrage Lorraine ne sait pas chanter et cocréatrice du podcast All That Jazz.
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Animé d’une ambition dévorante, Coppola tourna l’intégralité du film en studio et explosa le budget, qui se chiffra à 26 millions de dollars. « Formellement, le film est incroyable. Cette histoire minimaliste est traitée de façon monumentale, avec de superbes choix de couleurs et de brillantes surimpressions qui relient les destins des protagonistes… » Marqué par l’omniprésence de la publicité au début des années 1980, le cinéaste créa une esthétique volontairement artificielle. « Ce côté factice des décors est passionnant. Mais il est au service de passions assez tristes : nos héros, loin d’être des stars flamboyantes de comédie musicale, accomplissent cette nuit-là une sorte de fantasme puis reviennent l’un vers l’autre. »
Sorti en 1982, le film essuya un échec public, ne rapportant que 636 000 dollars aux États-Unis (120 fois moins qu’Apocalypse Now). Endetté à cause de ce revers, Coppola tourna dans la foulée Outsiders, Rusty James et Cotton Club. Et attend encore que son audacieux Coup de cœur connaisse la réévaluation qu’il mérite.
Illustrations : Sun Bai pour TROISCOULEURS