Après un accord de principe signé dimanche dernier, la WGA (Writer’s Guild of America), qui regroupe deux puissants syndicats de scénaristes américains, a officiellement mis fin, ce mercredi 27 septembre, à une grève historique, débutée le 2 mai dernier. Pour saisir les enjeux de ce conflit social d’une ampleur inédite – la dernière grève à Hollywood datait de 1960, alors que l’essor de la télévision menaçait le cinéma – qui vient d’aboutir à un accord avec les studios, retour sur les origines de la contestation.
The WGA reached a tentative agreement with the AMPTP. Today, our Negotiating Committee, WGAW Board, and WGAE Council all voted unanimously to recommend the agreement. The strike ends at 12:01 am. Check out our deal at https://t.co/c0ULMXhPL7. #WGAStrong pic.twitter.com/7z8kw9xI1p
— Writers Guild of America West (@WGAWest) September 27, 2023
STREAMING, PLATEFORMES ET PRÉCARITÉ
Les scénaristes et acteurs (qui ont rejoint le mouvement le 14 juillet, via leur syndicat, le SAG-AFTRA) alertent contre plusieurs dérives qui précarisent leur métier. D’abord, face à la montée du streaming, les scénaristes voient leurs droits résiduels baisser. Un droit résiduel, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit de l’argent touché par les scénaristes sur chaque rediffusion d’un film ou d’une série à la télévision – des sommes versées en plus de leur salaire initial, qui leur permettent également de vivre entre chaque projet. Or, l’avènement des plateformes VOD a bousculé ce principe. Désormais, les plateformes ne versent plus les droits résiduels en fonction du tarif des publicités, ou des succès d’audience, mais payent un forfait fixe annuel, vu au rabais, et dont le mode de calcul est opaque.
Autre problème : la longévité menacée des projets. Le format sériel s’est lui-même métamorphosé. Désormais, Netflix, Amazon et autres sociétés qui se chiffrent à des millions de dollars privilégient des saisons courtes, des mini-séries, ce qui ne garantit pas aux travailleurs d’Hollywood une pérennité du travail. En bref, les syndicats dénoncent l’écart démesuré entre, d’un côté, des mastodontes du streaming qui s’enrichissent, pendant que les auteurs doivent enchaîner les projets pour survivre. Ils réclament en conséquence une meilleure répartition des recettes.
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Second grand enjeu de cette grève, liée elle aussi à l’ère du numérique : le recours à l’intelligence artificielle dans la création de contenus. Les scénaristes réclament des mesures de protection et de limitation des « robots écrivains », de plus en plus mobilisés lors de l’écriture. Une doléance partagés avec les acteurs, qui réclament des garanties contre le clonage de leur image sans consentement, véritable menace pour leur emploi, et dénoncent les auditions auto-enregistrées, qui ne leur permettent plus de rencontrer directement les directeurs de casting.
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PARALYSIE, NÉGOCIATIONS ET RÉSULTATS
Paralysé depuis la grève – toutes promotions autour des films en festival, dans les médias, mais aussi les tournages et post-production ont été stoppés -, Hollywood va donc redémarrer lentement, car les négociations entre acteurs et studios, elles, se poursuivent.
Du côté des scénaristes, plusieurs garanties seront scellées après ratification de l’accord, qui fera l’objet d’un vote, entre le 2 et le 9 octobre. Valable pendant 3 ans, l’accord garantit un versement résiduel pour les programmes rencontrant un franc succès sur une plate-forme de streaming, soit lorsque « 20% ou plus des abonnés nationaux du service » ont visionné ce programme dans « les 90 premiers jours de sa sortie ».
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Autres revendications cédées par les studios : un bonus supplémentaire de 50% sera attribué aux films et séries produits à destination du streaming, et l’assurance d’une durée minimale de dix semaines consécutives pour le développement à l’écriture d’une série. Si les majors refusent d’être absolument transparentes quant à leurs audiences, elles ont également accepté le partage des « heures totales streamées, aux US et à l’international, pour les productions maison à gros budget des plateformes de streaming« , qui seront délivrées aux syndicats.
La WGA avait réclamé une consolidation des writers rooms, équipes de scénaristes engagées sur des productions. Désormais, trois auteurs minimum seront exigés pour assurer l’écriture d’une première saison d’une série dont le développement dure vingt semaines.
Concernant l’I.A, la garantie pour les scénaristes qu’ils ne seront pas remplacés dans le processus créatif est assurée par une clause qui spécifie que l’intelligence artificielle ne pourra pas être utilisée comme « matériel source », c’est-à-dire pour écrire ou réécrire des matériaux littéraires. Ainsi, le crédit des scénaristes est protégé. Détail crucial : les scénaristes auront le droit de retravailler des scripts générés par une IA, tout en étant crédités comme les auteurs du travail. A contrario, utiliser le matériau des scénaristes pour configurer une I.A. et optimiser ses capacités narratives est interdite. Enfin, une entreprise ne pourra pas exiger l’utilisation d’un logiciel d’intelligence artificielle par un auteur.
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Dans un communiqué officiel, le syndicat des acteurs a réitéré sa position : « SAG-AFTRA félicite la WGA d’être parvenue à un accord de principe avec l’AMPTP après 146 jours d’une force, d’une résistance et d’une solidarité incroyables sur les piquets de grève. Bien que nous soyons impatients d’examiner l’accord de principe de la WGA et de l’AMPTP, nous restons déterminés à obtenir les conditions nécessaires pour nos membres. » Les acteurs partagent avec les scénaristes plusieurs requêtes : une revalorisation salariale, une protection face à l’usage de l’intelligence artificielle, mais aussi beaucoup d’autres exigences, qui pourraient faire s’éterniser les négociations pour les acteurs.
Sources : The Guardian. et SAGAFTRA.org
Image de couverture : « Hollywood, CA, USA » par wclong411 (CC BY 2.0.)