« Nous sommes tous des assassins », écrivait Jean-Paul Sartre en 1958. Dans ce texte publié dans la revue Les Temps modernes, l’écrivain et philosophe accusait sans détour la France de crimes. Quels crimes ? Ceux perpétrés contre une Algérie en plein combat pour son indépendance. Mais aussi celui commis, pour l’exemple, contre l’un des siens : Fernand Iveton.
Sujet du livre éponyme de Joseph Andras, Goncourt du premier roman 2016, il est ce héros oublié de De nos frères blessés, adapté par Katell Quillévéré et Hélier Cisterne et réalisé par ce dernier. Jeune ouvrier communiste indépendantiste, Iveton vit en Algérie.
Incapable de fermer les yeux sur les exactions françaises commises contre le peuple algérien, il rallie le FLN et accepte de placer une bombe destinée au sabotage de matériel. Pas pour tuer – « Pas de morts, surtout pas de morts », dira-t-il –, juste pour provoquer une panne. Repéré avant que l’engin n’explose, il est arrêté, torturé, jugé, puis condamné à mort en 1957…
À travers l’histoire de cet homme, seul Européen guillotiné pendant la guerre d’Algérie, Hélier Cisterne dresse le portrait complexe de ce conflit, d’une France aux mains sales, avide d’autorité, d’une résistance aux visages multiples, de l’implication de la gauche (François Mitterrand, à l’époque garde des Sceaux, a confirmé l’exécution), et propose un regard empathique sur un combat qui oppose récit national et réalité du terrain.
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Cependant, Cisterne dépasse le « simple » commentaire historique et questionne la notion d’engagement, qu’il soit politique ou intime, souvent les deux à la fois. Au cœur de De nos frères blessés réside une histoire d’amour, grande et bouleversante, entre Fernand et Hélène, son épouse, une Polonaise au caractère bien affirmé ayant fui le communisme et accepté de le suivre jusqu’à Alger.
À coups de va-et-vient temporels, le film fait se répondre promesses et actions, convictions et sentiments, raison et passion, et les regards troublants de Vincent Lacoste et de Vicky Krieps. Neuf ans après Vandal, Hélier Cisterne confirme son talent de conteur, à la fois engagé et sensible.
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De nos frères blessés de Hélier Cisterne, Diaphana (1 h 35), sortie le 23 mars.
Image : © Les Films du Belier/Laurent Thurin-Nal