Cannes 2023 · « Bread and Roses » de Sahra Mani : femmes de Kaboul

Le 15 août 2021, Kaboul tombe aux mains des Talibans et contraignent les femmes à l’isolement, cloîtrées dans leur foyer et interdites de manifester. Dans un documentaire sur la lutte de trois femmes de la capitale, présenté en séance spéciale, Sahra Mani montre avec acuité les étapes de leur exclusion.


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Bread and Roses s’ouvre sur un mariage suivi des images, glaçantes, de l’arrivée des talibans dans la ville de Kaboul durant l’été 2021. Le contraste, saisissant, figure la bascule historique dans laquelle s’ancre ce documentaire centré sur la vie d’un groupe de femmes en Afghanistan après la chute de la capitale. En s’intéressant tout particulièrement à trois d’entre elles, Sahra Mani montre l’avant et l’après grâce à un montage constitué d’images qu’elle a tournées et d’archives d’amateurs, prises par les locaux ou par les femmes dont elle suit le quotidien difficile. Ces images, en très basse résolution, apparaissent d’une grande fragilité, reflétant la précarité de la condition dans laquelle évoluent les personnages : impossibilité de manifester sans se faire arrêter par les autorités talibanes, privation des entreprises dirigées par des femmes, port obligatoire du voile, etc. La charia contraint les femmes à l’inertie et à l’enfermement. Confinées chez elles, elles risquent leur vie en sortant brandir des pancartes qui exigent la réouverture des universités et le retour de l’accès, pour elles, aux études et au travail.

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Bread and Roses est en cela un film de lutte à la manière du cinéma militant des années 1960-70 : Sahra Mani montre patiemment les préparatifs des manifestations mais aussi toute une série de gestes et de combines qui assurent, du moins provisoirement, la pérennité de leur collectif improvisé. L’inquiétude voire la paranoïa règne alors dans le groupe, et le documentaire prend parfois les allures d’un véritable film d’espionnage, avec notamment une séquence centrée sur des images de vidéosurveillance, dans lesquelles se cacherait un ravisseur potentiel. C’est que les talibans sont paradoxalement peu montrés dans Bread and Roses, qui prend le parti inverse de la situation : tandis que les fondamentalistes occupent le terrain et prennent toute la lumière dans les rues de Kaboul, les femmes sont peu à peu reléguées dans le hors-champ de la société. Jusqu’à devoir fuir le pays et vider leurs lieux de vie et de travail de leur présence.

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Image (c) Excellent Cadaver