Mamoru Hosoda fait partie de ces cinéastes pour qui la réalité ne suffit pas à retranscrire la vérité des sentiments. Au fil d’une carrière sans faux pas, l’auteur des Enfants loups. Ame et Yuki s’est attaché à révéler la vie intérieure de ses personnages en travaillant sur deux registres : un cœur relevant de la chronique réaliste et une intrigue relevant du fantastique. Sur ce dernier point, Belle creuse le sillon tracé par Digimon. Le film et surtout Summer Wars, dans lequel les aléas d’une famille se matérialisaient et se résolvaient dans un monde virtuel. Suzu, une lycéenne introvertie, est secrètement Belle, l’avatar le plus plébiscité du réseau social U.
Dans cet univers numérique foisonnant, censé révéler la véritable personnalité de ses utilisateurs, Belle découvre l’existence de la Bête, une créature effrayante rejetée par tous. En partant à sa rencontre, Suzu affrontera ses démons et poussera son avatar à révéler l’ampleur de ses pouvoirs… Si Belle s’inscrit dans la continuité des précédentes œuvres de Hosoda, c’est pour en exacerber l’échelle (une partie de l’intrigue se déroule au niveau mondial) et surtout l’intensité. À la chronique lycéenne très pudique, parfois même contemplative, Hosoda oppose le bouillonnant melting-pot culturel d’U. Une juxtaposition toujours fluide qui permet à Hosoda de décrire avec clarté des interactions sociales complexes.
Il faut voir avec quel brio le cinéaste utilise un jeu de stratégie en ligne pour raconter en quelques minutes extrêmement ludiques comment renverser l’opinion d’un établissement scolaire entier. Sans non plus sombrer dans l’angélisme, Hosoda fait le pari, rarissime de nos jours, de l’optimisme et de l’humanisme. Car U est une prospection utopique des réseaux sociaux – puisque c’est un accélérateur des relations humaines, c’est aussi un révélateur de bonté. Belle offre ainsi des instants de beauté bouleversants, comme une longue séquence de chant dans laquelle Belle se met à nu face au monde. Une scène qui semble tirée du rêve fiévreux d’un artiste désinhibé, mais d’une sensibilité si juste qu’elle touche à l’universel.
Belle de Mamoru Hosoda, Wild Bunch (2 h 02), sortie le 29 décembre