Wes Anderson s’est vu reprocher ces dernières années de s’enfermer dans une zone de confort et de ne plus raconter grand-chose de nouveau à force de répéter les mêmes procédés stylistiques. Pourtant, après The French Dispatch, film tourné à Angoulême qui se divisait en plusieurs histoires distinctes, le cinéaste parvient avec Asteroid City à dépoussiérer son cinéma en allant voir du côté de la science-fiction rétro des années 1950.
« Asteroid City » de Wes Anderson : portfolio avec deux des créateurs des décors
Il imagine ainsi une intrigue située en 1955 dans un désert du sud-ouest américain, où la minuscule ville d’Asteroid City, célèbre pour son cratère de météorite, s’apprête à accueillir des enfants surdoués et leurs familles pour un concours scientifique. Mais l’événement est perturbé par l’arrivée d’un visiteur imprévu qui pousse la ville à être placée en quarantaine.
Outre cette intrigue qui semble explorer un terrain connu (celui de la Guerre froide et de la paranoïa liée aux secrets nucléaires), le réalisateur de La Vie aquatique ajoute une deuxième couche narrative. Tandis que se pressent dans l’Ouest les petits génies se joue parallèlement dans l’Est américain une pièce de théâtre nommée… Asteroid City.
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Aux colorées et cartoonesques images du désert s’opposent les images en noir et blanc de répétitions théâtrales, mais on retrouve dans les deux univers un casting commun: Jason Schwartzmann incarne ainsi dans l’Ouest un photographe veuf qui tente de surnager avec ses quatre enfants sous le regard désapprobateur du grand-père maternel (Tom Hanks), tandis que Scarlett Johansson campe une star de cinéma venue accompagner sa fille surdouée… Les mêmes Schwartzmann et Johansson se trouvent sur les planches de l’Est, avec d’autres noms, sous la direction d’un dramaturge joué par Edward Norton. Quelle est donc la nature du croisement entre ces deux univers ?
Si Wes Anderson voit dans les mythes scientifiques et artistiques des années 1950 une même volonté américaine de bâtir de nouveaux mondes pour la conscience, l’essentiel est surtout qu’une authentique émotion finisse par affleurer dans le film derrière les métaphores. Car avec ces familles confinées dans le désert qui doivent continuer à trouver un semblant de signification, à construire des relations sociales et à se raconter des histoires pour tenir bon, Anderson fait méditer sur la diversité de ce qui constitue une cellule familiale.
Le cinéaste confère aussi une dimension contemporaine à des angoisses qui ressemblent à celles d’une humanité post-confinement (la peur de se retrouver en quarantaine ou de ne pas pouvoir quitter une ville est palpable), tout en rappelant que la crainte de la bombe atomique ne concerne pas seulement la société des années 1950 mais aussi l’imaginaire actuel. En édifiant un tel pont entre ses personnages de papier glacé et les préoccupations présentes d’une planète qui se demande comment reprendre goût à la vie après un traumatisme collectif, Asteroid City ressemble à l’échelle du cinéma de Wes Anderson à un joli miracle.
Asteroid City de Wes Anderson, Universal Pictures (1 h 45), sortie le 21 juin
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