Archive : comment Angelo Badalamenti a donné naissance au thème mystérieux de « Twin Peaks »

Le compositeur américain, décédé ce dimanche à l’âge de 85 ans, laisse derrière lui des partitions hantées et profondes, fruits de son travail avec David Lynch, dont il était très proche.


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Les notes étranges et cryptiques du générique embrumé de Twin Peaks, série créée par Mark Frost et David Lynch, c’est lui. En 1990, Angelo Badalamenti, compositeur américain décédé ce dimanche 12 décembre, recevait un Grammy Award pour ce thème resté célèbre, qui témoignait de la complicité qu’il avait avec David Lynch : « Les visuels de David sont très influencés par la musique (…). Il s’asseyait à côté de moi au clavier et me décrivait ce qu’il pensait pendant que j’improvisais la partition. La quasi-totalité de Twin Peaks a été écrite sans que je voie une seule image, du moins dans le pilote », déclarait le compositeur au New York Times en 2005.

Justement, une vidéo témoigne à merveille du travail de traduction qu’Angelo Badalamenti opérait pour donner forme à l’imagination galopante de David Lynch, incarner les méandres de sa pensée. Tirée du documentaire sur Twin Peaks Secrets From Another Place (2007), cette séquence revient sur les origines d’une partition culte de la BO : le thème de Laura Palmer, énigmatique adolescente dont le meurtre constitue le point de départ de la série. On y voit Badalamenti, assis au piano, évoquant les sessions de travail avec Lynch – qui ressemblent plus à un rite incantatoire qu’autre chose.

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« On est dans un bois sombre à présent, et il y a un vent doux qui souffle contre des arbres sycomores. La lune est de sortie, il y a quelques sons d’animaux en arrière-fond, et tu peux entendre le hululement d’un hibou (…). Fais-moi rentrer dans cette belle obscurité et ce doux vent », commence par lui indiquer David Lynch. Le cinéaste le guide lentement pour arriver au point culminant de cette veillée funèbre, l’apparition de Laura Palmer de derrière un arbre : « Je peux la voir, elle marche vers la caméra, elle se rapproche de plus en plus de nous, maintenant, trouve-moi un climax ! »

Pas une note de plus, ni de moins. Dans cette atmosphère habitée et grave, les deux hommes venaient d’inventer un thème mémorable, entre la new wave synthétique des années 1980 et des notes graves dignes d’un polar. Ils se feront un câlin pour célébrer cette épiphanie créative.

Une séquence qui nous rappelle à quel point ces deux compères s’étaient trouvés comme des âmes-sœurs, partageaient un goût pour le mystique. Ils collaboreront par la suite sur Twin Peaks : Fire Walk With Me (1992), Lost Highway (1997), Une hstoire vraie (1999) ou encore Mulholland Drive (2001), et. Le bassiste Reggie Hamilton, qui a participé à l’album, raconte que Lynch lui donnait des indications spéciales avant de commencer à enregistrer une impro :« Imagine que tu es un poulet sans tête qui court partout bourré d’amphétamines. » On aurait rêvé être une petite souris assistant à leurs prouesses dans un studio.

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