3 personnages de films pour te décrire ?
Delphine Seyrig dans Baisers volés de Truffaut. Déjà parce que j’adore cette actrice, et spécialement pour la scène où elle dit à Antoine Doinel : « Je ne suis pas une apparition, je suis une femme ». C’est hyper moderne. Je trouve ça génial que ça soit elle qui vienne le voir, qui lui dise son désir, genre « tu m’as envoyé ta petite lettre poétique, maintenant on y va ! » Esther Kahn, l’héroïne du film de Desplechin, que j’ai découvert il y a quelques années à la Cinémathèque. Plus pour la phase de la jeunesse, du désir de comédienne. Ça parle du milieu du théâtre dans lequel j’ai grandi, je me suis identifiée à cette rage de vie, cette défense de son envie d’être artiste. Le binôme des Petites Marguerites, pour cette manière d’envoyer valser le patriarcat et l’institution bourgeoise avec de l’humour et une violence qui passe par quelque chose de burlesque, de farfelu.
3 films lesbiens qui t’ont inspirée pour ton rôle dans Split ?
Go Fish, qu’Iris m’a montré. Pour la « joie d’être lesbienne », qui est une réplique dans Split et que je trouve très bien incarnée dans le film de Rose Troche. Il y a une scène où une des héroïnes marche dans la rue après avoir fait l’amour pour la première fois avec la fille qu’elle aime, elle est super légère. Ça m’a inspirée pour la corporalité du personnage. J’ai aussi revu des bouts de Je, tu, il, elle de Chantal Akerman, plus sur un truc de mise en scène, d’esthétique, comment montrer les corps ensemble. Mon troisième choix n’est pas un film lesbien : c’est Sur la route de Madison. Pour l’incarnation du désir et de l’amour absolu, qui ressort par tous les pores de Meryl Streep. Il y a un truc super puissant qui se lit dans tout ce qu’elle fait, dans tout ce qu’elle dégage.
Go Fish de Rosa Tronche
3 looks vus au ciné que tu trouves iconiques ?
La robe à plumes et en satin de Ginger Rogers dans Top Hat [Le Danseur du dessus en VF, sorti en 1936, ndlr]. A la fin, elle et Fred Astaire vont à Venise, entre guillemets – c’est un décor de carton-pâte super kitsch – et ils dansent ensemble, elle dans cette robe qui accompagne ses mouvements d’une grâce folle. Le manteau du personnage des Ailes du désir de Wim Wenders. J’adore les personnages qui ont un costume, et j’ai toujours aimé les grands manteaux d’homme – j’en ai plein. La combinaison de dans Charlie et ses drôles de dames, quand elles font le rallye. Ça a été un moment très érotique dans ma vie. Tout n’est pas très féministe dans le film, mais dans mon adolescence, ça a été important de voir trois nanas hyper badass ensemble.
Ginger Rogers et Fred Astaire dans Le Danseur du dessus
3 films qui ont forgé ton féminisme ?
Thelma et Louise, évidemment. Ma mère me l’avait offert, je devais avoir 13 ans. Il n’y en avait pas tant que ça à l’époque, de films accessibles sur la sororité. Avec le thème sous-jacent du viol qu’on reçoit, je pense, très facilement, même quand on n’a pas encore conscience de ces sujets-là. Et puis la fin, qui est complexe, mais que tu peux totalement accepter sans intellectualiser. Jeanne Dielman. Une espèce de choc. Je l’ai découvert quand il est ressorti en salle [en mai dernier, ndlr], c’était terrorisant. C’est fou, de créer autant d’angoisse dans si peu d’espace et en racontant tant de choses. Wanda de Barbara Loden. Ce qui est beau, c’est ce personnage, il y a beaucoup de détresse et en même temps de liberté. A cette époque, c’était dingue de montrer une femme qui quitte sa famille, l’errance. Je me souviens de l’ouverture en plan très large, on voit sa silhouette marcher le long de tas de charbon noir, tu sens qu’elle s’extrait de quelque chose.
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Le film que tu regardes à 3h du matin, quand tu fais une insomnie ?
Je suis une personne qui dort très bien, je ne fais jamais d’insomnie. Mais si ça signifie « angoisse », un film qui me fait beaucoup de bien, c’est La Vie est belle de Capra, que je regarde à chaque Noël. Ça parle d’être dans la vie, avec ceux qu’on aime, de l’essence de ce qui nous rend heureux et de la distance à prendre avec la tornade que peut être le monde professionnel, la société dans laquelle on vit. Ça ramène à quelque chose d’essentiel.
3 comédies musicales dans lesquelles tu aimerais vivre ?
Peau d qui est mon film de chevet. Avoir Delphine Seyrig en marraine, c’est un rêve ultime. Chantons sous la pluie, aussi un de mes films culte. Les films sur le cinéma, spécialement quand on en fait, c’est jouissif. Et puis j’adore la relation des personnages, tout ce qu’il y a autour de l’amitié, la joie de créer ensemble, et le fait que la relation amoureuse naisse d’un sentiment d’amitié, je trouve ça très beau. Et puis, passion pour Gene Kelly, c’est mon premier choc d’homme au cinéma. Le Magicien d, pour la beauté de ce monde imaginaire, et pour les failles des personnages, dont on a d’abord peur et qui en fait sont gentils, et de voir comment ils s’accompagnent les uns et les autres dans leur épanouissement.
Delphine Seyrig dans Peau d’âne
3 acteurs ou actrices, mort(e)s ou vivant(e)s, que tu rêverais ou aurais rêvé de filmer ?
Juliet Berto, qu’on n’a pas assez vue de son temps et que j’ai découverte pendant le confinement en regardant Céline et Julie vont en bateau de Rivette. Elle était hyper engagée, elle est aussi dans Sois belle et tais-toi [documentaire de Delphine Seyrig sur des actrices, sorti en 1981, ndlr]. Super actrice, super gueule. Au-delà de la filmer, j’aurais bien aimé la rencontrer. Michaela Coel, de la série I May Destroy You. Elle a une puissance comique et en même temps une profondeur folle dans ces propos, dans ce qu’elle défend. Elle sait superposer plein d’émotions. La jeune actrice qui joue dans mon film, que j’aimerais beaucoup retrouver sur un autre projet, Betty Pierucci Berthoud, qui a 12 ans et qui je pense va faire une grande carrière.
Juliet Berto, figure secrète et rêveuse du cinéma français
3 cinéastes que tu aimerais faire découvrir ?
Je viens de voir Innocence de Lucile Hadzihalilovic. Je suis un peu obsédée par ce film depuis. Ça ne sera pas une découverte pour vos lecteurs car vous avez fait une couv dessus, mais Patric Chiha, car j’ai adoré La Bête dans la jungle. C’est un des meilleurs films que j’ai vus cette année. Je suis rentrée en transe. C’est tout ce que j’aime, la poésie de la littérature et en même temps la fête, l’amour absolu, la perdition. Courir après quelque chose qu’en fait tu as sous tes yeux. Et puis l’esthétique, la mise en scène, comment l’image, les costumes, tout se développe selon les époques. Et réussir à faire naître autant de sensualité avec si peu de contact physique.
En troisième, un film que j’ai vu au festival Jean Carmet, Adieu Sauvage de Sergio Guataquira Sarmiento. Le réalisateur est un Colombien d’origine amérindienne et il va dans la jungle pour faire un documentaire sur une communauté dans laquelle il y a une vague de suicides. Ils n’ont pas de mots pour décrire leurs sentiments, notamment l’amour, alors qu’on dit que les gens se suicident là-bas à cause de l’amour. Les scènes de dialogues sont hyper poétiques et c’est filmé en noir et blanc, pour ne pas tomber dans une glamourisation de la jungle et du sujet. C’est génial. Ils cherchent un distributeur, il faut qu’il sorte en salles !
: une projection de Split à Chéries-Chéris, en présence de l’équipe de la série est organisée le samedi 18 novembre 19h20 au MK2 Beaubourg. Pour réserver, cliquez ici ! La série sera diffusée à partir du 24 novembre sur France TV.Slash.
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