5 clips délicieusement barrés signés Bertrand Mandico

Alors qu’est sorti en salles « After Blue (Paradis sale) », son deuxième long-métrage situé sur une planète démoniaque, retour, en cinq clips, sur l’esthétique queer et romantico-trash du cinéaste français, mélomane aguerri qui a collaboré entre autres avec Calypso Valois et Kompromat.


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Apprivoisé de Calypso Valois (2017)

Des convives aux allures vampiriques, une pianiste aux yeux bandés et un volatile humanoïde : voilà les ingrédients d’un dîner presque parfait façon Bertrand Mandico. Tout droit sorti de sa cage pailletée jonchée d’ossements, une harpie virevoltante, incarnée par le toujours superbe Nicolas Maury, effleure une tablée bourgeoise de ses griffes sensuelles et dangereuses.

Petit bijou gothique, dans lequel plaisirs coupables et intentions farouches se mêlent, ce clip tamisé de néons violets cultive un érotisme morbide et joyeux, un combo cher à Mandico. Âmes sensibles s’abstenir : chair fraîche et hémoglobine sont de mise dans ce clip vénéneux, rythmé par la mélodie entraînante du synthé de Calypso Valois. Un morceau dont les sons faussement naïfs rendent hommage à ceux des années 1980 – un héritage légué à la chanteuse par ses parents, qui ne sont autres qu’Ellie & Jacno, duo phare de la pop des eighties.

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Temple of Sorrow de M83 (2019)

Nostalgique d’une enfance bercée par des jeux comme Final Fantasy ou The Legend of Zelda II, Anthony Gonzalez (co-fondateur du groupe M83 et frère ) a trouvé le cinéaste idéal pour illustrer ses sonorités rétrofuturistes. Dans ce premier volet d’un court-métrage en forme de triptyque intitulé Extazus, on suit l’histoire rédigée par un vieil écrivain sur sa machine à écrire. Pour sa deuxième collab avec le réalisateur, il y raconte les péripéties de son héroïne, « Nirvana Queen », incarnée par Anne-Lise Maulin (Ultra Pulpe) et nous plonge dans un univers surréaliste inspiré des décors de films SF à la Star Trek.

Alternant noir et blanc maîtrisé et décors pailletés aux couleurs psychés, ce voyage interroge la relation ambigüe entre violence et plaisir. Dans un jardin métallique, qui s’acharne sur une héroïne cherchant à s’émanciper du destin que lui réserve son auteur, on croise autant de créatures monstrueuses que de sources de jouissance. Accompagné d’une mélodie aux percussions lentes, délicieusement couverte de la patine que lui confèrent les claviers analogiques du siècle dernier, ce combo audiovisuel a de quoi nous propulser dans une autre dimension.

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Niemand de Kompromat (2019)

Bertrand Mandico + Vitalic + = un trio inégalable. Le réalisateur a prêté son esthétique surréaliste et pulpeuse au duo Kompromat, pour leur tout premier single. On y retrouve, actrice géniale et compagne de Mandico, dans la peau d’une femme accro à la vitesse, à la recherche d’une voiture capable de lui procurer des sensations fortes.

Après avoir perdu son œil dans un accident, elle se transforme en silhouette cabossée – comme celles qu’on voit chez Tarantino – tout en continuant à arpenter les routes. Fascination pour la mutilation, fusion entre corps et machine, matières organiques et métalliques : Mandico met en place une cartographie érogène et trash, que la réalisateur Julia Ducournau et son Titane n’auraient pas renié.

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Osmose d’Etienne Charry (2003)

On tient sans doute le clip le plus creepy réalisé par Mandico, dans une veine pourtant plus naturaliste et épurée que ses autres productions. Au bord d’un lac, un couple fait l’amour, épié par un voyeur. Tandis que les eaux aux propriétés mutantes génèrent d’étranges phénomènes, les amoureux s’adonnent à des rituels païens, et gobent tout ce qu’il leur passe sous la main, comme pour faire corps avec une nature chamanique….

Le pitch est sûrement obscur – laissons lui ses mystères. Une chose est sûre, l’image jaunie et granuleuse, les effets de décadrages hallucinants, le bruit grésillant des mouches posent clairement ce clip dans la lignée d’un Massacre à la tronçonneuse. Entre les décors marécageux qui évoquent le Sud profond des Etats-Unis et les plans aveuglants de soleil, nos deux amoureux prennent rapidement l’apparence de rednecks douteux. Un petit morceau d’horreur d’autant plus malaisant qu’il contraste avec la mélodie fluette du chanteur Etienne Charry, cofondateur du groupe Oui Oui avec .

Le Cri dans l’oeil, mashup réalisé pour Blow Up

Il n’est pas musical, mais ce clip du réalisateur a sa place dans notre top car c’est un bijou sonore. En 2019, la chaîne cinéphile d’Arte, spécialiste des compilations thématiques, confiait à Bertrand Mandico une carte blanche pour réaliser une anthologie visuelle. Le réalisateur a choisi un motif qui n’étonnera personne : le cri. Glaçant d’effroi dans La Nuit du chasseur, juvénile dans Sa Majesté des mouches, comico-tragique dans La Grande bouffe, sexuel dans Les Lèvres rouges

Grâce à un montage ingénieux, fait de rimes visuelles et de raccords malicieux qui mettent en relation les films pour créer un mini récit, le réalisateur nous rappelle à quel point le cri est proprement cinématographique. Que ce soit chez Dario Argento, Robert Altman ou , il résonne profondément, viscéralement, appelle à un hors champ imaginaire. S’il fallait n’en retenir qu’un – et c’est celui que Mandico place en dernier, histoire de conclure sur sa force -, ce serait le cri de Sally (Nancy Allen) dans Blow Out de Brian De Palma.