EN MÊME TEMPS de Gustave Kervern et Benoît Delépine
Un maire écolo (Vincent Macaigne) et un maire de droite (Jonathan Cohen), en désaccord sur un projet de construction d’un parc de loisirs, se retrouvent collés dans une position embarrassante par une activiste féministe (India Hair). Cette hilarante satire raconte beaucoup de ses coréalisateurs grolandais, Benoît Delépine et Gustave Kervern, et de l’époque, alors qu’ils ont mis un point d’honneur à sortir le film avant les élections. « Quand on a vu Éric Zemmour arriver comme candidat, nous a confié Benoît Delépine, on s’est dit : “Ça y est, c’est reparti pour une campagne sur les migrants et la sécurité, comme tous les cinq ans.” Il fallait au moins une proposition écolo, ne serait-ce qu’artistiquement. » • T.Z.
En salles le 6 avril.
Benoît Délépine et Gustave Kervern : « On est des boomers, on ne pourra jamais s’en dépêtrer »
CONTES DU HASARD ET AUTRES FANTAISIES de Ryūsuke Hamaguchi
En trois épisodes indépendants, reliés par le thème du hasard et du pouvoir réconciliateur de la parole, Ryūsuke Hamaguchi, le réalisateur de Drive My Car (qui vient de décrocher l’Oscar du meilleur film étranger), dresse le portrait complexe d’héroïnes en quête de sens. Le plaisir du verbe est le fil rouge qui relie ces bribes de vie. Hamaguchi examine la complexité des rapports humains par la versatilité du langage, qui soigne et blesse comme de vrais coups, cache ou révèle une attirance physique. En novembre dernier, le film est reparti du festival des Trois Continents, à Nantes, avec la Montgolfière d’or et un Prix du public mérités. • L.A.-S.
En salles le 6 avril.
« Contes du hasard et autres fantaisies » de Ryūsuke Hamaguchi, éloge de l’accident
VORTEX de Gaspar Noé
Depuis quelques films, Gaspar Noé explorait avec éclat la part la plus horrifique de son cinéma – Climax, Lux Æterna… On aurait donc pu parier que son film sur la fin de vie d’un couple âgé irait dans cette direction. Mais Vortex déjoue les attentes en s’engageant dans un récit sans effets, d’un réalisme implacable, tout à la recension minutieuse du quotidien d’un vieux critique de cinéma (Dario Argento) qui aide sa femme, une ex-psychiatre dont le cerveau s’étiole (Françoise Lebrun). Le split-screen, grâce auquel on suit les deux personnages simultanément, induit que notre œil est toujours mobilisé, et se perd au moins autant que le personnage à la dérive joué par Françoise Lebrun. Fascinant. • Q. G.
En salles le 13 avril.
A CHIARA de Jonas Carpignano
Avec ce long métrage intense, primé à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes l’année dernière, l’Italien Jonas Carpignano (Mediterranea, A Ciambra) nous plonge brillamment dans un tunnel de désillusions à travers la quête de vérité d’une jeune ado calabraise. Elle qui voyait en son père un être irréprochable découvre son implication dans la mafia et va vite être confrontée à un dilemme : sauver sa peau et fuir, ou rester et plonger au nom du père ? Magnifiant les séquences nocturnes – il y a du Scorsese dans les lumières qui composent certains plans, ce qui n’est pas étonnant étant donné que le cinéaste américain est producteur délégué –, Carpignano nous infiltre dans l’esprit noirci de la jeune fille. • J.L.
En salles le 13 avril.
TOUTE UNE NUIT SANS SAVOIR de Payal Kapadia
Mêlant documentaire et fiction, le très beau premier film de la cinéaste indienne Payal Kapadia, Œil d’or au dernier Festival de Cannes, retrace avec mélancolie une série de manifestations étudiantes contre le système des castes. Retraçant ses propres années d’étude pour prendre la température d’une jeunesse animée par cette lutte, Kapadia transforme la moindre image en une sorte d’archive, comme une émanation venue d’un temps révolu. La révolte a pourtant eu lieu, à partir de 2017, mais la texture des images, l’usage du noir et blanc et le montage lancinant recouvrent tout d’un voile nostalgique. Nourrie à l’histoire d’un cinéma révolutionnaire et aux grands noms de l’avant-garde, la jeune réalisatrice envisage le cinéma comme un art à la fois lumineux et obscur, toujours dans un entre-deux. • C.L.
En salles le 13 avril.
LE MONDE APRÈS NOUS de Louda Ben Salah-Cazanas
Avec un premier film qui suit les galères parisiennes d’un jeune écrivain, Louda Ben Salah-Cazanas installe l’amour comme seule urgence, d’une voix pleine des émotions du vécu. S’y dit aussi une vérité que boude encore trop le cinéma, celle d’une tranche de la population qui surnage entre deux classes. Labidi évolue entre Lyon et Paris, où ce jeune homme un tantinet nonchalant partage une chambre de bonne avec un grand gaillard en mal d’amour. Sa rencontre avec Élisa (Louise Chevillotte) bouscule un quotidien partagé entre tentatives de rédaction d’un premier roman prometteur et missions de coursier pour joindre les deux bouts… Le film encapsule l’époque avec une acuité peu commune. • L.P.
En salles le 20 avril.
QUI À PART NOUS de Jonas Trueba
Jouant habilement de l’ambiguïté entre documentaire et fiction, le réalisateur Jonás Trueba (auteur en 2020 du remarqué Eva en août) suit l’éducation sentimentale et politique d’un groupe d’adolescents madrilènes, sur cinq ans. « Nous ne sommes que des personnages de fiction. » D’emblée, les ados du film jettent le trouble sur leur identité. Assis dans un parc, ils discutent de la part de mensonge inhérente à toute création, en vue d’un tournage-fleuve. Pendant cinq ans, ils ont confié des bribes de leur jeunesse au cinéaste espagnol qui en a fait la matière première d’une fresque dans laquelle se confondent prodigieusement romanesque et réalité. Tout en capturant les rites de l’adolescence, pleins d’ardeur et d’obscurité, le cinéaste s’intéresse aux interstices du documentaire, aux moments de pure mise en scène qu’il peut faire surgir. • L.A.-S.
En salles le 20 avril.
MURINA d’Antoneta Alamat Kusijanovic
Caméra d’or à Cannes l’an dernier, ce premier film croate dresse l’étincelant portrait de Julija, jeune femme qui tente de s’affranchir de l’autorité abusive de son père. Habituée à trouver du réconfort lors de ses plongées sous-marines, Julija est soudain perturbée par l’arrivée d’un riche étranger (joué par Cliff Curtis), vieil ami de ses parents et ancien soupirant de sa mère, qui va la pousser à remettre en cause l’emprise familiale… Attentive aux désirs mouvants de chaque protagoniste, la mise en scène explore superbement les décors naturels d’une île rocheuse écrasée de soleil. • D. L.
En salles le 20 avril.
GHOST SONG de Nicolas Peduzzi
En s’intéressant à deux jeunes âmes esseulées de Houston, aux États-Unis, Nicolas Peduzzi gratte les plaies d’un pays qui ne sait plus aimer ses enfants. À la lisière entre le documentaire et la fiction, ce film, qui fait la part belle à la musique oscille, entre la rage et l’abandon. Bien plus qu’un cadre, la ville qui a enfanté Beyoncé et Travis Scott est à la fois une hydre et un trou noir qui menace d’aspirer ses habitants. Ce sont justement deux d’entre eux qui ont attiré la caméra de Nicolas Peduzzi : Will, le gosse de riches blanc rejeté par sa famille après la mort de son père ; et OMB Bloodbath, rappeuse afro-américaine et ancienne cheffe de gang. Deux individus dans la vingtaine, qui confirment que ce n’est absolument pas le plus bel âge de la vie et semblent hésiter entre la résilience et la révolte. • M. B.
En salles le 27 avril.
BABYSITTER de Monia Chokri
Après l’enlevé La Femme de mon frère, Monia Chokri signe Babysitter, sur un jeune papa beauf qui vole un baiser à une journaliste après un match arrosé. L’onde de choc médiatique le pousse à se remettre en question, et son frère avec lui, tandis que sa compagne (jouée par la réalisatrice) traverse un post-partum. Une babysitter va leur jeter à tous un charme étrange… « Je trouvais intéressant d’évoquer le genre horrifique en renversant les codes, que l’idée de l’horreur vienne du regard des femmes, celles qui scrutent Cédric, et que mon personnage et celui de la babysitter, Amy [parfaite Nadia Tereszkiewicz, ndlr], aient une relation de sororité, presque de sorcières, » nous a expliqué la cinéaste québécoise depuis Montréal. • T.Z.
En salles le 27 avril.