5 objets phares dans le cinéma de Chantal Akerman

Des lettres déchirantes, des portes entrouvertes, des chaussures pour s’enfuir : on fait le tour des fétiches de la cinéaste belge, alors que sort en salles une rétrospective de son oeuvre.


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LA CHAUSSURE

Qu’elle soit celle de la cinéaste elle-même dans son détonnant premier film Saute ma ville (1968), la derby que Jeanne Dielman cire avec précision, ou encore le soulier rose bonbon que replace chaque jour Jeanne Schwartz au pied du mannequin de la boutique dans Golden Eighties (1986), la chaussure trottine dans toutes l’œuvre d’Akerman, tel un objet précieux, un fétiche, qu’on regarde et qu’on emporte toujours avec soi, qui s’use à mesure que le temps passe et que l’amour s’en va.

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LA PORTE ENTROUVERTE

D’aucuns penserait à la refermer, Akerman lui crierait que non, il ne faut surtout pas ! La filmographie de la cinéaste belge est en effet truffée de portes ou de fenêtres entrouvertes, filmées comme des objets sacrés, cadres délimitant l’espace du non-dit, de ce que l’on ne voit pas d’habitude mais qu’il faut à tout prix regarder.  

LA LETTRE

Elle est omniprésente dans le cinéma, pourtant peu bavard, d’Akerman. Dans News from Home (1977), la réalisatrice lit en voix off la correspondance envoyée par sa mère lorsqu’elle habitait à New York, tandis que défile en travellings les buildings indifférents. La lettre est une élégie urbaine. Dans Je, tu, elle, il, elle (1974), on noircit du papier dans le huis clos d’un appartement, on déchire, on recommence. Avant de réaliser que la nuit et le dehors ont peut être plus à offrir que les mots.

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LA TABLE DE CUISINE

C’est le lieu de la maison qui passionne Chantal Akerman. Dans Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975), l’héroïne, mère au foyer qui se prostitue, y épluche et brûle des patates, signe d’un dérèglement à venir. La cuisine est une prison mentale, imprégnée de rituels aliénants. Dans No Home Movie (2015), Akerman filme sa mère, rescapée d’Auschwitz, à la fin de sa vie, assise dans cette cuisine toute simple qui, comme une boîte à souvenirs, renferme des douleurs et des bonheurs. Une façon de faire écho à son premier court métrage, Saute ma ville, dans lequel elle dévastait la cuisine de sa mère, pleine de rage, sur une musique gaie. 

DES SPOTS 

De Je, tu, il, elle (1974) à son court Femmes d’Anvers en novembre (2008) en passant par Toute une nuit (1982) ou Histoires d’Amérique (1989), la nuit a toujours fasciné la cinéaste, qui en a fait un motif récurrent. Elle y voit un temps propice à la mise à nu, plein de promesses, de dangers et de doutes. Rien d’étonnant à ce que l’idée de Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles, son chef d’œuvre et film le plus cité de sa filmographie, lui soit apparue à ce moment-là : « Une nuit, j’étais dans mon lit en train de somnoler et tout à coup, j’ai vu le film. » Comme une révélation divine qui l’aurait arrachée d’un coup du sommeil, pour ne plus la lâcher.