Citez trois films sur la maternité ou la grossesse qui vous ont marquée.
L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune, une fantaisie irrésistible [sortie en 1973, ndlr]. Jacques Demy met en scène Catherine Deneuve et l’acteur le plus sexy de la terre, Marcello Mastroianni, en homme enceint. J’adore Demy parce qu’il n’a pas peur du mauvais goût présumé, il est très libre. Au départ, j’avais écrit la série pour Catherine Deneuve, je pense qu’inconsciemment c’était lié à ce film. L’une chante l’autre pas d’Agnès Varda (1977), pour le féminisme des années 1970, et cette femme enceinte qui est entourée d’autres femmes et qui prend la route.
Et Y aura-t-il de la neige à Noël ? de Sandrine Veysset (1996). Je l’avais découvert au cinéma et j’ai eu la chance après de travailler avec elle comme actrice pour mon premier rôle [dans Martha…Martha, sorti en 2001, ndlr], c’était comme si j’avais gagné au loto. C’est l’histoire d’une femme qui a sept enfants, elle est la maîtresse cachée d’un homme marié, elle est victime de cette situation qui l’enferme, elle est totalement prise au piège au point de vouloir se suicider avec ses enfants. Mais elle a ce sursaut de vie à la fin, alors qu’elle a allumé le gaz, elle ouvre les fenêtres et elle dit : « Regardez les enfants, il y aura de la neige à Noël. » C’est magnifique, bouleversant, c’est un grand film sur la misère, sur la misère de soi aussi, et sur comment les femmes sont parfois des proies pour les hommes. Et c’est un film qui raconte bien aussi la maternité comme quelque chose d’à la fois douloureux et beau.
Clotilde Hesme, quelle cinéphile es-tu ?
Décrivez-vous en trois héroïnes de fiction.
Wonder Woman, une héroïne qui m’a marquée quand j’étais adolescente, je la trouvais fascinante dans sa sexy attitude et puis aussi parce qu’elle était totalement libre. Elle n’avait pas peur des hommes, elle était plus forte qu’eux. Et ça, c’était quelque chose. Moi, quand j’étais adolescente, je crois que j’avais toujours cette appréhension des hommes, avec l’idée que quand on est une jeune biche de 13, 14 ans, les hommes pouvaient nous faire du mal. On n’était pas complètement détendues avec le fait de rentrer toutes seules le soir, de mettre des minijupes… Et je me souviens que ma mère nous apprenait à mettre des coups de genou dans les roubignoles, on faisait des séances où on s’entraînait les unes sur les autres.
Drew Barrymore dans Le Come-back (2007), j’ai une passion pour cette actrice dans les comédies des années 1990-2000, et je me suis beaucoup inspirée d’elle pour jouer George et son côté adulescent dans la série. Catherine Deneuve dans Le Sauvage de Jean-Paul Rappeneau (1975) parce que j’ai un côté comme ça, déterminé, insupportable, qui n’en fait qu’à sa tête.
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Le film que vous avez vu 3 fois ou plus ?
Alice de Woody Allen (1990), je trouve que c’est un personnage d’émancipation, un personnage de femme magnifique, qui passe par la dépression et la cage dorée d’un homme qui ne la regarde pas, en fait, qui lui apporte juste un confort matériel.
Les trois plus beaux films sur Paris ?
Baisers volés de (1968), c’est vraiment le Paris des années 1960, la carte postale qu’on rêve de connaître. Et moi, je l’ai un peu connue parce que quand je suis arrivée à Paris pour mes études, je prenais le bus 29 qui était ouvert à l’arrière, je me mettais sur la plateforme pour fumer une cigarette et j’avais l’impression d’être dans un film de Truffaut. C’était un sentiment de liberté absolue. Un peu pour les mêmes raisons, Zazie dans le métro de Louis Malle (1960) et Midnight in Paris de Woody Allen (2011), qui en plus fait des voyages dans le temps, c’est un pur fantasme. Mais aussi pour ce qu’il raconte sur l’impression que c’était mieux avant alors qu’évidemment, ce qui compte, c’est le présent.
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Quel acteur ou actrice vous faisait fantasmer à 13 ans ?
Sophia Loren, c’était quelque chose ! Mon père l’adorait et je ne comprenais pas comment lui qui me paraissait si frêle pouvait adorer une femme qui avait autant de poitrine, autant de bouche, autant de cheveux. En fait, ça me renvoyait presque de lui l’image d’un petit garçon, prêt à se faire dévorer. Je la voyais un peu comme le génie d’Aladin, elle me fascinait complètement.
Trois films que vous avez fait découvrir à vos enfants ?
Les Quatre Cents Coups de François Truffaut, parce que c’est un film qu’il faut voir quand on est enfant, notamment sur le fait que les parents sont importants, que c’est dur quand on n’en a pas. C’est un film dur sur l’enfance mais c’est un film important cinématographiquement aussi, parce que c’est le premier long métrage de Truffaut et qu’après on va suivre l’évolution de ce personnage d’Antoine Doinel dans ses films suivants. 3 places pour le 26 de Demy (1988), c’est un enchantement. C’est le théâtre, le music-hall, une jeune fille qui rêve d’être danseuse… C’est un film qui parle aussi de choses compliquées comme l’inceste. Je l’avais regardé avec mes enfants et ça avait ensuite donné lieu à une vraie discussion sur ces sujets, sur le consentement…
Dans mon souvenir, c’était un film un peu mineur de Demy mais en fait non, je ne crois pas. C’est un très bon film, c’est juste qu’il a eu moins de succès que d’autres. Le succès peut brouiller les pistes sur la qualité des films et parfois, il y a des grands films qui passent à la trappe. Et Annie de John Huston (1982). Alors ça, c’est vraiment un film que j’ai découvert enfant. C’est prodigieux et c’est tout le rêve américain, c’était ça que je voulais faire, vraiment, quand j’étais enfant : du music-hall et des comédies musicales à l’américaine. Aller à Broadway. Je ne sais pas si un jour je le ferai.
La série dont vous étiez accro à 13 ans ?
Papa poule [diffusée de 1980 à 1982 sur Antenne 2, ndlr], c’était l’histoire d’un homme qui était tout seul avec ses enfants et qui s’en occupait, ils habitaient dans un petit pavillon en banlieue. Quand j’étais petite, c’était beaucoup ma mère qui s’occupait de nous parce que mon père travaillait tout le temps. Il était VRP, il vendait des trucs et il était souvent absent. Et quand arrivait le week-end, il fallait pas trop l’emmerder parce qu’il voulait se reposer. Donc on était un peu en manque de notre père et je crois que ce papa poule de la série me faisait beaucoup de bien. En puis, il n’y avait pas de mère dans la série, alors qu’à la maison on était quatre filles à se partager un homme, avec ma mère et mes deux sœurs… Donc je crois que je réglais un peu un œdipe à travers cette série !