Vu au FIFIB : “Maman déchire” d’Émilie Brisavoine, une enquête intime constellée de fulgurances

Après le portrait effréné de sa demi-soeur dans « Pauline s’arrache », Émilie Brisavoine nous revient en sondant la personnalité punk de sa mère, Meaud.


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Maman déchire est un choc pour sa forme tout à la fois frontale, foisonnante et tremblante, qui dit bien l’urgence qu’Émilie Brisavoine a traversé. Au départ, la cinéaste avait le projet d’une comédie sur sa mère Meaud, anticonformiste notoire, à la provoc et au bon mot hilarant faciles. Mais, en travaillant dessus, elle a comme buté sur quelque chose, l’impossibilité d’avoir un dialogue avec elle sur le passé. Alors qu’elle-même est devenue mère, en plongeant la tête la première dans les vieilles photos, les VHS et les affects, ont resurgi des évènements éprouvants liés à Meaud, à sa relation avec elle et son frère.

Que faire de cette douleur? C’est alors la question posée par la cinéaste, et ce qu’il y a de très juste et beau, c’est qu’elle n’y répond jamais, que Maman déchire paraît toujours en chantier. Le film ne propose pas de conclusion, ou de pacification, ou de guérison rassurantes. Il s’avance comme une recherche agitée, ouvrant continuellement des pistes, tentant d’achopper des mystères et des secrets – on pense beaucoup à Tarnation de Jonathan Caouette, autre essai autobiographique et fragmentaire d’un cinéaste qui tente de renouer avec sa mère. Lorsqu’Émilie Brisavoine tente de parler enfin avec Meaud, la caméra d’abord posée sur elle finit par dévier et se heurter – littéralement – à un mur.

Ce mur blanc, la cinéaste en fait un étendard de cinéma. Il n’y a parfois pas de réponse à nos questions, ou alors elles sont aussi vastes et insaisissables que la métaphysique – pour le faire sentir, la réalisatrice fait d’ailleurs appel à de vieilles archives d’émissions télé sur le cosmos. Et sans raillerie (parce qu’on recherche du sens comme on peut) mais avec malice et drôlerie, elle expérimente tout un tas de pratiques de développement personnel qui s’avèrent vaines, dont une qui consiste à parler à son “enfant intérieur”. Usant alors d’un masque Snapchat d’enfant, l’échange avec elle-même petite fille s’avère aussi tourmenté que flippant.

Maman déchire semble alors nous dire qu’il faut apprendre à composer avec l’irrésolu, ce magma de peurs, de désillusions, de sentiments contradictoires emmêlés – et qu’elle est surtout là la quête intime.

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(c) Bathysphère