Vu au festival des Trois Continents : « Contes du hasard et autres fantaisies » de Ryūsuke Hamaguchi, éloge de l’accident

En trois épisodes indépendants, reliés entre eux par le thème du hasard et du pouvoir réconciliateur de la parole, le réalisateur de « Drive My Car » dresse le portrait complexe d’héroïnes en quête de sens. Le film est reparti ce dimanche avec la Montgolfière d’or.


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Ce film a remporté la Montgolfière d’or et le prix du Public au festival des Trois Continents

Chez Ryūsuke Hamaguchi, tout commence souvent par un micro-dérapage, un mouvement intérieur infime, qui fait vriller les situations. C’est, dans Asako I&II, une jeune femme qui rencontre le sosie de son premier amour évanoui ; dans Senses, la disparition soudaine d’une héroïne qui écoute enfin son cœur. Le motif du hasard était donc tout choisi pour ce cinéaste attentif à l’accident, l’imprévu, avec toutes les ressources romanesques que cela permet. Dans Contes du hasard et autres fantaisies, le réalisateur japonais raconte, en trois segments distincts, comment la vie de trois femmes bascule au détour d’une coïncidence, d’une (mal)chance – certains parleront de destin, mais les personnages d’Hamaguchi préfèrent parler de « magie ».

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Difficile d’en révéler davantage sur l’intrigue – puisqu’elle obéit elle-même à une logique d’incertitude et de contingence – sans abîmer le charme étrange de ce film qui convoque, entre cruauté et drôlerie, les fantômes d’une vieille histoire d’amour, ou encore les regrets d’une femme au foyer. Disons seulement que de chaque situation archétypale (un triangle amoureux, un guet-apens sexuel et une retrouvaille née d’un malentendu), Hamaguchi extrait une sève inattendue, déjoue avec un esprit ludique les présupposés, s’amuse à conduire et éconduire son spectateur.

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Ainsi, une méprise d’identité permet à deux femmes de se réconcilier avec un être perdu, une histoire de jalousie conduit à un geste de rédemption fortuit et ce qui débute comme une vulgaire combine de séduction finit en échange existentiel sur le pouvoir érotique et émancipateurs des mots. Le plaisir du verbe est le fil rouge qui relie ces bribes de vie. Ryūsuke Hamaguchi examine la complexité des rapports humains par la versatilité du langage, qui soigne et blesse comme de vrais coups, cache ou révèle une attirance physique. L’héroïne du premier chapitre le formule d’emblée par une maxime qui dit à quel point la parole est ici une affaire charnelle : « Je ne savais pas qu’une conversation pouvait être érotique. »

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Impossible de ne pas reconnaître à ces contes une filiation rhomérienne. Mais contrairement au cinéaste français, impassible face aux divagations de ses personnages, Hamaguchi offre toujours à ses héroïnes un salut. C’est une ultime pirouette scénaristique, qui mène vers la douceur plutôt que l’amertume, ou un zoom improbable sur un visage, qui désamorce la tristesse par un effet légèrement comique.

Contes du hasard et autres fantaisies de Ryūsuke Hamaguchi, Diaphana, sortie le 6 avril 2022

Images (c) 2021 Neopa/Fictive

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