Pour prouver sa valeur, un jeune noble doit mettre sa main dans une boîte présentée par une terrifiante prêtresse au visage dissimulé par un voile. S’il la retire avant que la sorcière le lui ait ordonné, son cou délicat sera transpercé par un pic empoisonné. A l’intérieur de la boîte ? La douleur la plus insoutenable. Comme toute tragédie opératique, Dune annonce ainsi son programme dans son premier acte : étudier la capacité d’adaptation des êtres vivants à leur environnement, surtout quand celui-ci les met au défi.
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Le jeune élu, c’est Paul (Thimothée Chalamet), fils du Duke de la maison Atréides (Oscar Isaac, herculéen) et de sa compagne sorcière (Rebecca Ferguson), disciple de l’ordre du Bene Gesserit. Le film s’ouvre sur la planète désertique d’Arrakis, où les populations locales, les Fremens, subissent depuis 80 ans le joug des Harkonnens, peuple barbare et terrifiant qui exploite les mines d’épice – la matière première la plus convoitée de la galaxie, enfouie dans le sable. Les Harkonnens sont sommés de quitter les lieux par l’Empereur, qui envoie la Maison Atréides et son armée puissante et loyale pour gouverner à leur place et instaurer la paix.
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Pour faire comprendre cette trame à la Game of Thrones, Denis Villeneuve prend son temps, ne cherchant jamais à nous noyer dans les détails inutilement compliqués, le verbillage technique – et on lui en sait gré. Pas d’esbrouffe narrative, donc, mais un sens certain de la grandiloquence, un désir fort, dirait-on, de faire date en insufflant un souffle mythologique – aidé de la partition d’Hans Zimmer, plus épique que jamais – dans le moindre plan.
Comme dans Blade Runner 2049, on se plaît à reconnaître l’influence de la bande-dessinée (on se situe ici du côté de la saga familiale de SF La Caste des Méta-Barons, scénarisée par Alejandro Jodorowsky, qui avait lui-même tenté d’adapté Dune au cinéma sans y parvenir) dans l’esthétique baroque, le rythme et la composition des cadres. L’émotion peine toutefois à s’échapper de cette grosse machine d’orfèvre, tant les ambitions sont grandes et les cases du space opera soigneusement cochées.
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L’originalité du film réside ainsi moins dans sa mise en scène et sa trame que dans une thématique légèrement plus souterraine : sa déclinaison des moyens de résister. Ainsi de son héros, qui semble puiser sa ténacité (il parvient à dominer son corps et n’enlève pas sa main de la boîte) dans ses rêves étranges qui lui intiment la conviction d’un destin exceptionnel : il est l’élu, le messie des peuples d’Arrakis. La dimension politique du film, qui semble par ailleurs attaquer l’impérialisme à travers les Harkonnens et le règne despotique de l’Empereur, devient ainsi plus trouble en positionnant les Atréides comme des conquistadors aux ambitions de bons samaritains.
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Envoyés sur une planète a priori hostile pour l’être humain, les Atréides arrivent en conquérants de la paix. Trop confiants. Une invention les aide à dominer : ils peuvent déployer un champ magnétique sur leur corps pour ralentir le choc d’un objet lancé sur eux et amoindrir les dégâts. Ce qui s’avère en fait bien inutile pour résister aux conditions de vie sur Arrakis, planète cognée par un soleil de plomb et dont le sable recouvrant la surface abrite des vers voraces pouvant atteindre 400 mètres de long. Les orthèses utiles, ce sont les autochtones qui les ont façonnées, et ceci en toute écologie, s’il vous plaît, prenant exemple sur le fonctionnement des animaux et des éléments naturels.
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Le studio Warner autorisera la mise en production du deuxième volet de Dune si celui-ci rencontre le succès en salle. C’est tout ce qu’on souhaite au cinéaste québécois, pour voir se déployer ce qu’il a ici amorcé, et donner une chance à son jeune héros de comprendre, au contact des peuples d’Arrakis, comment trouver d’autres ressources pour résister à la domination et à un destin discutable que de serrer les dents en oblitérant la peur et la douleur.