Vu à Venise 2023 : « Ferrari » de Michael Mann

Dans un film policé mais très maîtrisé, Michael Mann sonde l’Italie post-fascisme à travers l’une de ses figures mythiques : Enzo Ferrari. Et livre un biopic étrange, à flux tendu, sur l’automobile comme art et comme industrie.


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Adam Driver dans la peau d’un magnat italien, après House of Gucci (2021) ? L’annonce du projet avait de quoi effrayer, hormis les inconditionnels de Michael Mann. Loin de la surenchère kitsch de Ridley Scott, ce film-ci brille d’une autre lumière ; plus intimiste, plus classieux, le biopic de Mann en est presque l’antithèse. Avec le classicisme rigoureux qui a fait sa réputation, le cinéaste conte alors la résurrection de Ferrari après-guerre – période entachée par le deuil et le déclin. Et malgré une sous-intrigue conjugale dont on peut regretter la fadeur, c’est la fascination pour l’automobile qui prend le pas.

Non seulement par le savoir-faire de Mann, dont la caméra numérique épouse la vitesse avec une fluidité ovniesque. Mais par cette étrange ambivalence de l’engin, à la fois objet industriel et outil d’expression artistique – deux pôles que Ferrari s’évertue à concilier, et ainsi du cinéaste. C’est ce qui fait la salutaire violence du film, dont les bolides n’apparaissent pas seulement comme un miracle de célérité. Ils personnifient aussi l’Italie machiste d’alors, où la voiture s’apprête à rejoindre la femme dans le grand jeu de l’exploitation publicitaire. Tout comme ils sèment parfois la mort – à tel point que Mann y dresse une sidérante analogie entre scène d’accident et scène de guerre. On n’attendait pas mieux de son génie visuel.