Cet article a été initialement publié en 2021, année de sortie du film.
C’est dans les pas de Petit paysan d’Hubert Charuel et de de Julia Ducournau que s’inscrit ce premier long métrage, réalisé par Just Philippot mais, chose rare pour un premier film français, écrit par deux scénaristes, Jérôme Genevray et Franck Victor. La Nuée partage avec ses aînés (tous deux sortis en 2017) plusieurs éléments stylistiques et thématiques : le monde agricole en pleine asphyxie, le surgissement de l’horreur dans le quotidien, la rencontre entre naturalisme et épouvante.
Il confirme surtout les orientations de la Semaine de la critique cannoise (La Nuée fait partie du cru 2020) devenue, en quelques années, un réjouissant vivier de nouveaux noms appliqués à réinvestir un territoire : celui du film de genre. Avec une grande rigueur d’écriture et de mise en scène, La Nuée entremêle bouleversante chronique familiale et thriller écologique.
C’est l’histoire d’une mère prête à se saigner (littéralement) pour ses enfants, orphelins de père depuis peu. Pionnière dans l’élevage de sauterelles comestibles, elle s’engage – par nécessité et non par appât du gain – dans une dangereuse course au profit. Tout en métaphores filées (le capitalisme comme venin de notre société, la métamorphose comme traduction d’une détresse écologique), le film est aussi le saisissant portrait d’une héroïne – à laquelle l’extraordinaire Suliane Brahim, sociétaire de la Comédie-Française qui trouve ici son premier grand rôle au cinéma, donne toutes ses nuances – dont les sacrifices en disent long sur la condition féminine.