« Passion simple » : une chronique fiévreuse et crue

Cette adaptation d’un court roman d’Annie Ernaux par Danielle Arbid nous immerge dans la passion entre une prof de fac et un homme d’affaires russe.


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« Passion simple », on croirait à un oxymore. Pourtant, cette simplicité, c’est bien ce qui frappe d’emblée à la vision du dernier long métrage de la Française d’origine libanaise . Hélène () et Alexandre (le danseur Serguei Polunin) ont beau n’avoir a priori rien en commun (la première enseigne la littérature, quand le second, bad boy qui a une épouse en Russie, fait des affaires et aime les grosses voitures), leurs corps s’attirent, et voilà il ne faut pas aller chercher plus loin.

Avec un style direct, franc, que l’on peut voir comme une transcription cinématographique de l’écriture sans effusion d’, la cinéaste retrace cette passion amoureuse et sexuelle comme un pic de présent auquel les protagonistes s’abandonnent sans souci du monde extérieur. Les séquences de sexe surtout, qui généralement ont lieu l’après-midi dans le pavillon de banlieue d’Hélène, ressemblent à des bulles d’intensité à la lumière blanche paradoxale – crue, clinique mais sensuelle – dans laquelle les amants ont l’air un peu plus que vivants.

Danielle Arbid : « En général, c’est la France qui regarde les étrangers. Je voulais retourner la caméra et regarder la France »

À côté, les scènes plus quotidiennes montrant Hélène donner cours ou s’occuper de son jeune fils comme en pilote automatique, paraissent ouatées, fugaces, peuplées de figures floues – celle d’Alexandre, très nette, ne se décolle ni de sa tête ni de la nôtre. Jouant de ces contrastes tranchants entre moments très vifs et instants d’accalmie, Danielle Arbid saisit avec force tout ce que la passion crée d’attente, de fantasme, de désir qui monte – de fiction.

3 questions à Danielle Arbid

Parmi tous les romans d’Annie Ernaux, pourquoi celui-là ?

Dans tous les livres que je lisais dans l’idée d’en faire un film charnel, il y a ceux qui parlaient de romance, et ceux qui parlaient de sexe, jamais des deux. Or, je conçois la passion amoureuse comme d’abord sexuelle, et je n’envisage pas le sexe sans amour. Il n’y avait que ce livre-là, inadaptable, qui avait cette approche.

Que disent ce livre et votre film de la passion amoureuse ?

Pour moi, dans la passion, il y a besoin d’être à la hauteur de l’autre, de le dépasser, de l’attendre, de le rêver. Tout cela était dans ce livre.

Annie Ernaux est-elle une figure à laquelle vous vous identifiez ?

Elle m’inspire pour son courage, sa façon de s’exposer et de se mettre en péril. Certains articles au moment de la sortie du livre en 1991 avaient un regard très condescendant sur son travail, parce qu’ils considéraient qu’elle n’était pas du sérail. C’est un point d’identification, parce que j’ai lutté longtemps pour appartenir à ce pays, la France. Je pense que ce film m’aide à avoir ce sentiment – le fait qu’il soit en français, à partir d’une œuvre de littérature française aujourd’hui reconnue.

Passion simple de Danielle Arbid, Pyramide (1 h 39), sortie le 11 août
Image : Copyright Magali Bragard