Les premières minutes ressemblent à une scène de départ en vacances. À Milan, dans une gare, un petit garçon mange une glace avant de retrouver son frère et ses parents. Mais, en réalité, la petite famille est en cavale car le père, Abel Davos (incarné par Lino Ventura) est un braqueur bien connu de la police italienne. Ils veulent se rendre en France – même si Abel y est condamné à mort après avoir refusé de se présenter au tribunal – pour s’y établir durablement et enfin emmener les enfants à l’école. Cette ultime mission avant de raccrocher tourne court quand la mère meurt pendant une fusillade avec des gardes côtes…
Lors de cette scène, la caméra insiste sur le regard des enfants qui comprennent alors que tout ce qu’ils font n’a rien d’un jeu. Ils vont devoir prendre une part active à leur évasion vers Paris en se cachant, en mentant, et en acceptant de toujours marcher loin d’Abel afin que celui-ci ne soit pas reconnu. Leur présence quasi constante (le père parle braquage tandis que ses enfants mangent des bonbons en arrière plan), comme au bord du cadre, donne une teinte plus douce à ce long-métrage.
La réussite de Sautet dans ce premier essai est de désamorcer le sérieux d’un thriller classique en dépeignant une paternité joyeuse malgré la gravité des événements, comme en témoigne l’apparition d’Eric Stark (Jean-Paul Belmondo, avec son air de canaille enfantin), un jeune braqueur au grand cœur qui forme avec son aîné (Ventura) le fameux duo du père et du fils spirituels, enchaînant dialogues cinglants et blagues potaches sous le regard amusé des deux petits garçons.
Abel Davos (Lina Ventura) et Eric Stark (Jean-Paul Belmondo)
Dans cette fuite en avant du gangster, le but n’est plus tellement d’échapper à la police, mais de réenchanter le quotidien des enfants et des plus grands, meurtris par la tragédie de la perte. Et c’est à cet endroit très précis qu’on reconnaît la sensibilité particulière du cinéaste.