
Daniela Völker, documentariste anglo-argentino-allemande dont l’engagement est notoire (elle s’est intéressée aux massacres au Rwanda, à l’Ukraine ou encore à la mafia italienne), réussit avec finesse un tour de force, faisant dialoguer deux familles liées au traumatisme de la Shoah. D’un côté, les descendants de Rudolf Höss, dont on découvrait la vie familiale dans le glaçant La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer (sorti en janvier dernier). Ils évoquent entre eux leur père nazi, soit, d’après Kai, le petit-fils devenu pasteur, le « plus grand tueur de masse de l’histoire ». De l’autre côté, la cinéaste permet à la presque centenaire Anita, juive allemande, ayant survécu à la Shoah en jouant du violoncelle pour les nazis, d’enfin s’ouvrir sur cette période traumatisante à sa fille, Maya, thérapeute.
Devant la caméra attentive et jamais intrusive de Völker se déroulent ainsi des moments de réparation pour Maya et Kai, via des rencontres lors desquelles les non-dits cèdent et l’émotion affleurent. La cinéaste n’en oublie pas le travail de mémoire, montrant des archives documentant la mise en place de la solution finale et des extraits de l’autobiographie de Höss. Avant d’orchestrer une rencontre historique entre le fils de Höss, qui se rend chez Maya pour lui parler, et qui sort enfin d’un certain déni concernant les actes et la responsabilité de son père. Un choc aussi tardif que bouleversant et salutaire.
L’Ombre du Commandant de Daniela Volker, 1h47 minutes (Warner Bros) en salles le 6 novembre