Dans Harmonium (2017) ou Hospitalité (2010), Kōji Fukada donnait des versions toutes personnelles du fameux Théorème (1969) de Pier Paolo Pasolini. Ce canevas de l’apparition d’un individu mystérieux s’immisçant dans un groupe, venant bouleverser sa routine, était alors utilisé à l’échelle de la famille japonaise, pour ausculter ses dynamiques.
Le Soupir des vagues répète cette structure, mais cette fois dans une dimension plus large, pour donner à voir l’hébétude, le sentiment d’absurde face à une catastrophe naturelle. Fukada situe son film en Indonésie, pays déjà évoqué en creux dans son Au revoir l’été (2014), et qui a connu en 2004 un traumatisme causé par les ravages d’un tsunami, comme le Japon plus tard en 2011…
Sachiko, étudiante japonaise, vient déposer les cendres de son père dans la ville de Banda Aceh, sur l’île de Sumatra, où il avait fait son dernier voyage. Elle loge chez sa tante Takako, qui s’y était installée pour venir en aide aux survivants. Fukada n’oublie pas que la jeunesse, alourdie par les répercussions de la catastrophe dans laquelle elle a parfois perdu des aînés, a aussi envie de légèreté.
Avec délicatesse, il regarde son héroïne développer ses propres intrigues, amoureuses ou amicales, parler de la double identité indonésienne et japonaise avec son cousin Takashi ou du désir de journalisme d’Ilma, l’ancienne petite amie de celui-ci… Le tsunami n’apparaît en fait qu’en arrière-plan, sous les traits de Laut (« mer » en indonésien), jeune homme échoué nu sur la plage au tout début du film, et dont le mutisme intrigue toute l’île.
À la lisière du fantastique, Fukada capte l’incertitude autour de cette présence aux étranges pouvoirs, perçue tantôt comme bienveillante, tantôt comme menaçante. La finesse du film repose justement sur le fait que le réalisateur ne tranche pas, faisant de Laut une allégorie ambiguë et discrète, sorte de rappel inquiet à la mémoire.
: Le Soupir des vagues de Kōji Fukada, Art House (1 h 29), sortie le 4 août